Visiter le 11e arrondissement de Paris
Nous arrivons ce mois-ci au onzième arrondissement. Ne le connaissant pas du tout, je ne sais pas ce que je vais y trouver. Mais s’il y avait un monument célèbre, je ne doute pas que je le saurais. Nous n’allons donc pas visiter quoi que ce soit d’immanquable, mais nous sommes tout de même à Paris. Il devrait donc y avoir quelques endroits intéressants. J’ouvre quelques guides de tourisme, parcours internet. Rien de bien passionnant. Mais comme les surprises arrivent en se promenant, je décide donc d’y aller pour en avoir le cœur net. Et croyez moi, je l’ai parcouru en long, en large et en travers. Je n’allais quand même pas ne rien publier ce mois-ci ! Partons visiter le onzième arrondissement de Paris et découvrons quelques endroits un peu cachés.
Pour cet article, je ne présente pas les différents quartiers, la disposition des endroits que je veux présenter ne s’y prête pas. Sachez tout de même que le onzième arrondissement est découpé en quatre quartiers, qui sont disposés selon un axe sud-est – nord-ouest. Dans l’ordre, nous trouvons les quartiers Sainte-Marguerite, Roquette, Saint-Ambroise et Folie-Méricourt. L’ensemble de la visite peut occuper pendant deux journées.
Un peu d’histoire
Au Moyen-Âge, deux faubourgs de Paris occupent le territoire de l’actuel onzième arrondissement : le faubourg du Temple et le faubourg Saint-Antoine, entourés par des champs. Au Nord, plusieurs congrégations religieuses prennent leurs quartiers. Les établissements religieux sont nombreux à avoir pris place au Nord-Est de Paris. Le plus important d’entre eux, dans ce territoire, est l’abbaye Saint-Antoine-des-Champs, autour de laquelle le faubourg Saint-Antoine s’est formé. Au XVIIIe siècle, de nombreux artisans s’y installent, notamment des ébénistes et des artisans en lien avec tout ce qui a trait à l’ameublement en bois. Le onzième arrondissement est également un lieu de loisir pour les bourgeois parisiens, qui y construisent plusieurs folies.
Une folie est un lieu de villégiature construit par la noblesse ou la bourgeoisie en périphérie de la ville. Ils viennent s’y reposer, organiser des réceptions ou des fêtes.
Les habitants de ces faubourgs sont prompts à la révolte. Ainsi, ils sont en première ligne lors de la prise de la Bastille. C’est d’ailleurs dans la Folie Titon que commencent les émeutes qui mènent à la Révolution française. Cette tradition se poursuit en 1830 et en 1848. En 1871, la Commune se replie dans cet arrondissement et c’est dans le faubourg du Temple que se dressent les dernières barricades.
A partir de 1860, le onzième arrondissement obtient sa dénomination actuelle. Un agrandissement de Paris intègre pleinement les faubourgs à la ville et le baron Haussmann perce de grandes avenues. Les habitants se mélangent avec les artisans, ainsi qu’avec les ouvriers, de plus en plus nombreux avec le développement de l’industrialisation, et le onzième arrondissement devient le plus peuplé de Paris.
Au XXe siècle, le onzième arrondissement est industriel et populaire. Bastion des mouvements ouvriers et syndicaux, il se révolte en 1944, lors de l’insurrection populaire en prélude à la Libération de Paris. Avec la place de la Bastille et la place de la Nation, c’est le lieu de nombreuses manifestations, qui font écho à son passé. Pauvre en monuments historiques, il est en revanche animé, grâce à de nombreux bars et restaurants.
Autour de la place de la Bastille
La place de la Bastille
Au XIVe siècle, le roi Charles V vit dans l’hôtel Saint-Pol, plus confortable que le château du Louvre, mais bien moins défendu. Il fait donc construire le château Saint-Antoine, que les Parisiens appellent Bastille, tout simplement parce-que c’en est une ! Une bastille est un château indépendant disposant de sa propre garnison. En effet, le roi cherche un fort le protégeant des attaques extérieures mais aussi des révoltes des habitants de la capitale. La construction débute en 1370 et mobilise les désœuvrés de la capitale jusqu’en 1382. C’est à la mort de Charles V que la Bastille accueille son premier détenu : le prévôt Hugues Aubiot, lui-même qui en a posé la première pierre. La Bastille conserve un rôle défensif, en théorie tout du moins, car en pratique, elle ne résiste qu’une seule fois à ses attaquants, les défenseurs se rendant dans tous les autres cas (soit six fois sur sept…).
Au XVIIe siècle, la Bastille devient prison d’État. Cependant, cela fait déjà deux siècles qu’elle accueille des prisonniers. Symbole de l’arbitraire royal, la Bastille est prise d’assaut le 14 juillet 1789, alors qu’elle est presque vide depuis l’abolition des lettres de cachet en 1784. Les révolutionnaires démolissent la Bastille et on retrouve par exemple l’une de ses pierres dans le quatrième arrondissement, d’autres ayant servi à la construction du pont de la Concorde. Le maître-maçon Jean-François Palloy, qui mena la démolition, vendit une partie des pierres et le reste fût utilisé pour construire le pont Louis XVI (ancien nom du pont de la Concorde).
Si de gros clous marquent l’emplacement de la Bastille entre la rue Saint-Antoine et le boulevard Henri IV, c’est surtout la colonne de Juillet qui se fait remarquer. Au centre de la place, cette colonne de quarante-sept mètres de haut célèbre les révolutions de 1830 et 1848. La statue à son sommet est celle du génie de la Liberté, tenant le flambeau doré de la liberté et une chaîne brisée représentant la tyrannie. Les noms sont ceux des parisiens tués lors de ces deux événements, et donc les corps reposent dans le soubassement de la colonne. Remplaçant une fontaine commémorant la prise des Tuileries de 1792, une colonne corinthienne commence à être construite en 1831, en souvenir des Trois Glorieuses.
Les architectes étant intervenus sur le chantier ne sont pas très connus du grand public, il s’agît de Jean-Antoine Alavoine pour le dessin de la structure et Joseph-Louis Duc pour la décoration et la suite des travaux après le décès du premier.
L’Opéra Bastille
En réalité, il est dans le douzième arrondissement mais comme nous sommes devant, parlons-en dès maintenant. Ça fera au moins quelque-chose de connu dans cet article !
C’est un bâtiment à l’allure fort moderne que l’on observe au sud-est de la place de la Bastille. En effet, l’architecte Carlos Ott a commencé sa construction en 1983, après avoir remporté un concours opposant 1700 cabinets d’architectes. Celle-ci dura six ans, ce qui permit de l’inaugurer pour les deux-cent ans de la prise de la Bastille. Le nouvel Opéra dispose d’un escalier monumental passant sous une porte d’apparat, le portique que l’on voit à l’avant. Sa façade est constituée d’une paroi en verre et d’une autre paroi incurvée, en plaques de calcaire et en forme d’escalier, soutenue par une colonne en granit.
On ne le voit pas depuis la place, mais la grande salle est immense, elle comporte 2745 places. Autre chose, qui est alors une première mondiale : l’Opéra accueille l’ensemble des métiers nécessaires à la réalisation d’un opéra, soit soixante-quatorze. Ne me demandez pas lesquels, je ne saurais pas fournir une liste exhaustive !
Les six ans de la construction de ce nouvel opéra peuvent sembler peu, et effectivement, – est-ce la conséquence d’une construction trop rapide ? -une dalle chute dès 1990 ! Après plusieurs années de procès, les constructeurs sont condamnés à une lourde amende et au remplacement des 36 000 dalles.
Pour terminer mes visites, il faudrait donc que je me mette à l’opéra contemporain. Mais j’avoue que l’Opéra Garnier, dans le neuvième arrondissement, m’attire plus.
La cour Damoye
La cour Damoye part du nord-est de la place de la Bastille. Elle constitue une petite ruelle avec de la verdure, soit un cadre très sympathique. Ce n’est que le premier d’une longue série de cours et de passages que nous allons découvrir pendant notre visite. Car ici, il y a des “cours” ou “passages”. Cela les distingue un peu par rapport aux voies des autres arrondissements qui sont de simples rues. Il n’y a pas grand chose à voir, alors autant enrober un peu l’existant…
La rue Daval nous mène, à droite, à la rue de la Roquette.
Autour de la rue de la Roquette
La rue de Lappe
La rue de Lappe est, à en juger par le nombre de bars, le cœur de l’animation nocturne du quartier. Elle tient son nom de Gérard de Lappe, un maraîcher, qui avait ici ses jardins au XVIIe siècle. Royaume de la vente de ferraille dans la seconde moitié du XIXe siècle, la rue de Lappe est aussi le repaire des apaches et autres brigands actifs dans Paris à la Belle Époque. Elle devient un haut lieu festif dans la première moitié du XXe siècle. Le Balajo, ouvert en 1936, témoigne de cette époque. Il n’était alors que l’un des dix-sept bals ouverts dans la rue de Lappe !
L’église Notre-Dame-d’Espérance
Dans les articles précédents, je constatais l’évolution architecturale des bâtiments, et notamment des églises. Du style gothique, nous étions pleinement passés dans le style jésuite puis classique et enfin néoclassique. Je ne m’attendais pas à ce que le changement soit aussi brutal ici. Quelle ne fût pas ma surprise en découvrant une église présentant une façade vitrée et un clocher gris moderne !
L’histoire de l’église Notre-Dame-d’Espérance remonte au début du XXe siècle. A cette époque, de nombreux ouvriers vivent dans ce quartier défavorisé et prompt aux révoltes sociales. Les habitants se détournent de la religion chrétienne pour se tourner vers une nouvelle idéologie : le communisme, ou du moins, le socialisme. Le père Anizan, alors aumônier dans un centre d’œuvres près de la rue Charonne, s’installe ici et construit une chapelle. Malgré sa bonne volonté, le père Anizan n’est pas maçon, ni architecte. L’édifice se dégrade rapidement et en 1997, les architectes Bruno Legrand et Jean-Luc Le Roy construisent cette nouvelle église.
Si vous n’arrivez pas à lire les inscriptions sur la façade, c’est parce-que les lignes alternent entre celles lisibles de l’extérieur et celles lisibles de l’intérieur !
Autres éléments de la rue de la Roquette
Au numéro 70 de la rue de la Roquette, la fontaine de la Roquette date de 1846 et alimentait le quartier en eau depuis le canal de l’Ourcq. L’eau sortait alors de la tête de lion en bronze. La fontaine présente sur son fronton les armoiries de Paris, présentées par deux dauphins.
Au numéro 76, le théâtre de la Bastille se consacre au théâtre contemporain et à la danse contemporaine. D’abord théâtre, le bâtiment devient un cinéma en 1912 avant de reprendre sa vocation initiale en 1969, en tant que théâtre indépendant.
La rue Keller
La rue Keller est un exemple de l’animation du quartier. L’école y participe, puisqu’elle ouvre le samedi afin de permettre aux habitants de se rencontrer et de créer du lien social.
L’ancien faubourg Saint-Antoine
En 1198, l’abbaye royale de Saint-Antoine est fondée. Louis XI la dote d’importants privilèges, notamment la non soumission à l’autorité des corporations, ce qui permet aux artisans de vendre des produits s’écartant des modèles réglementés. On déchargeait alors le bois alimentant la capitale au port de La Râpée et on le stockait sur l’île des Louviers, aujourd’hui disparue, car rattachée à la rive droite. C’est dans ce contexte que les artisans du bois s’installent dans le faubourg Saint-Antoine. L’innovation bat son plein, puisque ces artisans sont libres de produire de nouveaux articles. A la fin du XVIIIe siècle, d’autres industries, telles que des ateliers de papier-peint ou de porcelaines, s’installent dans le quartier. Elles y chamboulent l’activité par la mécanisation et la spécialisation des tâches. Aujourd’hui encore, le quartier du Faubourg Saint-Antoine conserve des traces de son histoire.
La rue du faubourg Saint-Antoine
Les premiers passages
La rue du Faubourg Saint-Antoine reliait la Bastille et l’abbaye Saint-Antoine. De nombreux passages en partent, que nous allons découvrir sans plus tarder. Ceux à droite de la rue se trouvent dans le douzième arrondissement, mais nous allons les visiter eux aussi.
Le passage du Cheval Blanc, qui part du numéro 2 de la rue de la Roquette, était un entrepôt de bois au XVIIe siècle. On y trouve plusieurs cours au nom des mois de l’année. Sauf qu’il n’y a que sept cours, dont une se nommant “cour Sainte-Marguerite”. On y trouve des logements, des entreprises, et même une Ruche qui dit oui. La Cité Parchappe relie le passage du Cheval Blanc à la rue du Faubourg Saint-Antoine.
Au fur et à mesure que nous avançons dans la rue du Faubourg Saint-Antoine, nous constatons de grandes disparités dans l’architecture des immeubles de part et d’autre de la rue. On y trouve en effet aussi bien des bâtiments du XVIIIe siècle que des bâtiments métalliques, tel que celui au numéro 46.
Peu après, du même côté, le passage de la Boule Blanche a été percé à l’emplacement d’une enseigne du même nom, en 1700, afin d’accueillir des ébénisteries.
Au numéro 56, des immeubles sur lesquels pousse de la vigne vierge bordent la Cour du Bel-Air. Au numéro 66, le passage du chantier, ouvert en 1842, accueille encore aujourd’hui des magasins d’ameublement dans des enseignes colorées. C’était à l’origine un chantier de bois à brûler.
La fontaine Trogneux
En face, une fontaine se trouve au croisement entre la rue du Faubourg Saint-Antoine et la rue de Charonne. Cette fontaine classique de style Louis XV (reconnaissable au fronton triangulaire) fût construite en 1719, jusqu’en 1724, afin de fournir en eau le quartier. Ici aussi, ce sont des mascarons en têtes de lions qui déversent l’eau. Au-dessus de la fontaine, des marques témoignent du recensement des habitations parisiennes de 1724, afin d’éviter les constructions sans permis.
D’autres passages de la rue du Faubourg Saint-Antoine
Continuons notre visite des passages. Au numéro 74 de la rue du Faubourg Saint-Antoine, la Cour des Bourguignons date du XVIIe siècle. Elle se développe dans la seconde moitié du XIXe siècle, quand un négociant en bois fait construire des immeubles avec des grandes baies vitrées, ensuite reliés par un bâtiment en armature de fer. Un toit vitré recouvre le début de la Cour. Avancez vous pour remarquer, en vous retournant, la cheminée en briques. Elle a beau faire trente-deux mètres de haut, je ne l’ai pas remarquée durant ma visite…
De l’autre côté de la rue, la Cour des Shadoks se trouve au numéro 71. Elle porte le nom du créateur de la série télévisée du même nom. Adjacente à cette cour, la Cour de l’Étoile d’Or a elle aussi été occupée par les artisans travaillant dans l’ameublement. Créée en 1855, au numéro 81, la Cour des Trois Frères est recouverte de façon intermittente par des verrières. Ici aussi, de nombreux ébénistes ont travaillé.
Remarquez en face, au croisement entre la rue du Faubourg Saint-Antoine et de la rue Saint-Nicolas, la petite statue de ce saint. Après l’incendie d’une maison dans la rue, on ouvre au numéro 89 la Cour de la Maison Brûlée, plus large que les autres que nous avons visitées précédemment. Enfin, au numéro 95, un bas-relief représentant un ours marque l’entrée de la Cour de l’Ours, encore aujourd’hui occupée par des ébénisteries.
La plupart des passages sont fermés le dimanche !
Après cette découverte des passages du onzième et de l’artisanat du bois dans le quartier, remarquons quelques immeubles d’intérêt.
Les immeubles Haussmanniens dans la rue du Faubourg Saint-Antoine
Plusieurs exemples de bâtiments de style Haussmanniens se trouvent dans la rue du Faubourg Saint-Antoine. Citons par exemple l’immeuble au numéro 102 et celui au numéro 106, quoiqu’assez tardif. Autour du square Trousseau, les numéros 9 et 11, ce dernier évoluant vers l’Art nouveau de la Belle Époque.
L’avenue Ledru Rollin
Revenons sur nos pas pour prendre l’avenue Ledru Rollin, à droite. La construction de cette avenue s’est étendue tout au long du XIXe siècle et jusqu’en 1931. Des rangées d’arbres la bordent, mais ce sont surtout les façades d’immeubles qui vont nous intéresser ici.
Nous commençons tout de suite avec le numéro 90, un prémisse de l’Art nouveau, quoique manquant grandement de décorations ! Au centre se dessine une esquisse de bow-window. Juste à côté, l’immeuble est de style haussmannien, mais avec quelques décorations végétales en dessous des balcons. La fenêtre à gauche, au premier étage, est clairement Art nouveau. Ainsi, cet immeuble fait une transition entre les deux styles. C’est aussi le cas pour l’immeuble au numéro 100. Le numéro 102 quant à lui se distingue par le visage sculpté au centre. L’immeuble au numéro 104 est lui clairement de style Art nouveau avec ses décorations autour de la porte d’entrée et ses deux bow-windows. Un style identique pour le numéro 108.
D’autres passages
Le passage de la Bonne-Graine
On vendait ici des grains, avant que l’impasse soit prolongée jusqu’au passage Josset en 1825 et transformée en cour dix ans plus tard. Concernant les ateliers et magasins qui se trouvaient ici, vous commencez à en avoir l’habitude, l’atelier d’ébénisterie d’art Dissidi se trouve au numéro 16 depuis 1911. A gauche, avenue Ledru Rollin, le passage de la Bonne-Graine débouche sur le passage Saint-Antoine et coupe le passage Josset, que nous prenons à gauche. Ce passage porte le nom d’un marchand de bois. Nous prenons ensuite à droite, rue de Charonne. Nous passons devant le passage de la Main d’Or mais continuons pour tourner à gauche, passage Charles Dallery.
Les mosaïques du passage Rauch
Une mosaïque surmonte la grille du numéro 1 du passage Rauch. Si elle témoigne de la présence d’un ancien atelier de mosaïques, elle est en revanche plutôt contemporaine. En effet, l’artiste Léonor Rieti en a réalisé huit dans ce passage en 1990.
Empruntons maintenant le passage de la Main d’Or.
Le passage de la Main d’Or
De nombreux ateliers subsistent dans ce passage, qui porte le nom d’une ancienne auberge. Au numéro 18, un bas-relief représente un ébéniste.
La rue Trousseau
Nous tournons à gauche, rue Trousseau. Au numéro 22, l’immeuble de style Art nouveau arbore une riche décoration de tournesols, de marguerites et d’autres fleurs, ainsi que d’insectes tels que des libellules.
Celui des numéros 52 et 54 est de style Art déco. La mairie réaménage la rue Trousseau, alors vétuste, au début du XXe siècle.
A l’angle de la rue Trousseau et de la rue Charles-Delescluze, le jardin nomade est un jardin communautaire à vocation pédagogique. Nous prenons la rue Charles-Delescluze jusqu’à arriver à l’église Sainte-Marguerite.
L’église Sainte-Marguerite
On construit une première chapelle dédiée à sainte Marguerite dans la première moitié du XVIIe siècle. Les paroissiens la font agrandir progressivement et elle devient l’édifice de style classique que l’on voit aujourd’hui. Le cimetière de l’église, ouvert en 1637, accueille de nombreuses dépouilles des victimes de la guillotine. Louis XVII, l’héritier de Louis XVI, y est inhumé. Son corps n’a cependant jamais été retrouvé, certainement perdu au milieu de la fosse commune.
A l’extérieur, le beffroi de l’église est assez discret. L’entrée, qui donne sur la rue Saint-Bernard, est encadrée de quatre pilastres doriques et surmontée d’un fronton triangulaire.
Ce qui frappe en entrant dans l’église Sainte-Marguerite, c’est le peu de luminosité de la nef, que les vitraux colorent en jaune-orange sombre. Au contraire, le cœur est lumineux, d’une lumière blanche qui met l’autel en valeur. Celui-ci se trouve devant une piéta de marbre réalisée par les sculpteurs Eustache Nourrisson et Robert Le Lorrain en 1705.
A gauche du cœur, la chapelle des Âmes du Purgatoire abrite un immense trompe l’œil. L’architecte Victor Louis, également auteur du Grand Théâtre de Bordeaux, réalise ce chef-d’œuvre de 1760 à 1764, avec l’aide du peintre Paolo-Antonio Brunetti. La chapelle, qui ressemble à un temple antique, met ainsi en valeur cette période, ainsi que la Contre-Réforme qui a alors lieu en Europe.
La Contre-Réforme constitue une réponse de l’Église catholique à la Réforme protestante. Elle englobe une série de réformes organisationnelles et s’étend au domaine de l’art, avec l’émergence du style baroque. À travers des expressions artistiques puissantes et évocatrices, les œuvres véhiculent les valeurs de la Contre-Réforme, cherchant ainsi à contrer l’expansion du protestantisme et à reconquérir les cœurs.
Enfin, l’église Sainte-Marguerite possède de nombreux vitraux de style différents, plusieurs tableaux (par exemple Le massacre des Innocents de Francesco de Rosa, autour de 1600 ou la descente de croix, de Charles Dorigny et de style maniériste), ainsi que des bas-reliefs. Quatorze tableaux composent le chemin de croix.
Le square Louis Majorelle
En face de l’église Sainte-Marguerite, le square Louis Majorelle a ouvert en 1994 et contient un “labyrinthe”. Le panneau explicatif l’appelle comme cela, mais il est très facile de s’y retrouver. Ce nommage est en honneur de l’ébéniste français Louis Majorelle et célébrait le centenaire de son courant artistique.
Louis Majorelle est un célèbre ébéniste Art déco, membre de l’école de Nancy. Je vous propose de lire mon article sur Nancy pour en savoir plus !
La rue Faidherbe
Au numéro 24 de la rue Faidherbe, l’architecte Achille Champy se lance dans la nouvelle mode de l’Art déco après l’Art nouveau. Il construit cet immeuble en 1925 et 1926 pour les ateliers Boutet. Son ossature en béton armé permet la présence de grandes fenêtres vitrées qui laissent entrer la lumière.
L’immeuble au numéro 11 est de style Art nouveau. Il n’est cependant pas très décoré. Son style se reconnaît surtout grâce à sa porte et à la forme des fenêtres. Des visages entourés de branches qui se mélangent à leurs cheveux surmontent la porte d’entrée.
Nous tournons à gauche, rue du Faubourg Saint-Antoine. Remarquez le grand immeuble au 242 ter, décoré de guirlandes.
La rue des immeubles industriels
Il fallût un an à l’architecte Émile Leménil pour bâtir les dix-neufs immeubles de cette rue. Ces bâtiments de style très homogène. Le rez-de-chaussée accueillait des ateliers tandis que les habitations se trouvaient dans les étages supérieurs. Une machine à vapeur située au sous-sol, au milieu de la rue, alimentait le tout. Ce projet novateur attira deux mille ouvriers, travaillant tous dans le domaine du bois, dans un souci de rationalisation des activités dans la capitale. Méconnus, ces immeubles reçurent pourtant la médaille d’or à l’Exposition universelle de 1878 !
Nous conservons la place de la Nation pour une prochaine visite. A l’autre bout de la rue des immeubles industriels, nous tournons à gauche, boulevard Voltaire.
Autour du boulevard Voltaire, à travers les quartiers Sainte-Marguerite et Roquette
Le boulevard Voltaire dans le quartier Sainte-Marguerite
Le boulevard Voltaire est l’une de ces grandes voies créées par Haussmann, en 1857. Mais c’est en 1870 qu’il prend son nom actuel. Il relie la place de la Nation et la place de la République.
On retrouve les travaux de construction de ce boulevard au centre du roman La Cuvée d’Émile Zola.
Au numéro 252, l’immeuble en brique et acier avec ses grandes fenêtres vitrées contraste avec le style Haussmannien. L’architecte Morgand le construit en 1901 pour une société commercialisant du matériel pour les casinos. Le style est complètement différent de celui du numéro 244 par exemple. Il correspond à un style industriel du début du XXe siècle. Le numéro 224 est l’ancien siège des établissements Cusenier, une ancienne distillerie, comme le rappelle le nom gravé au-dessus de la porte en fer forgé. Un oculus entouré de motifs sculptés trône au sommet de l’immeuble.
Un petit détour pour une église protestante
En prenant la rue Chanzy, à gauche, puis la rue Titon, nous arrivons devant une petite église : l’église protestante luthérienne de Bon-Secours. Cette église, construite en 1895, constitue alors un lieu de culte pour les ouvriers allemands travaillant dans le Faubourg Saint-Antoine. La rosace est visible de l’extérieur par des motifs et le clocher semble posé sur le toit !
La rue de Charonne
Le couvent de la Madeleine de Traisnel
Continuons notre promenade sur le boulevard Voltaire et tournons à gauche, rue de Charonne. Curieux bâtiment en briques rouges et aux grandes fenêtres vitrées au numéro 102, qui jouxte l’ancien couvent de la Madeleine de Traisnel. La communauté religieuse de la Madeleine de Traisnel est ancienne. En effet, elle est apparue en 1142 dans le village de Traisnel. Elle quitte la Champagne durant les guerres de religion et s’installe à Melun en 1629, puis dans le faubourg Saint-Antoine en 1652. En 1801, le couvent devient un atelier de tissage et en 1871, c’est le siège du club révolutionnaire. Le bâtiment du XVIIe siècle subsiste dans la rue de Charonne.
Le couvent des bénédictines du Bon-Secours
En face, des vestiges du couvent des bénédictines du Bon-Secours entourent l’impasse du même nom. Le prieuré de Notre-Dame-de-Bon-Secours est fondé en 1648. De 1770 à 1780, l’architecte Victor Louis rénove le couvent et la chapelle. Vandalisé à la Révolution, le couvent est plus tard occupé par Richard et Lenoir, deux industriels qui y installent une filature de coton. Ce sont les mêmes qui établiront un atelier de tissage dans le couvent de la Madeleine de Traisnel. Les plus sévères dégradations ont lieu en 1937 avec la destruction de la chapelle et en 1971 avec celle du porche de Victor Louis. Aujourd’hui, il faut reconnaître l’architecture de l’abbaye dans la petite impasse du Bon-Secours, ce qui peut passer inaperçu pour le promeneur.
Le palais de la Femme
Plus loin, au numéro 94, le bâtiment à l’angle de la rue de Charonne et de la rue Faidherbe est le palais de la Femme. En 1641, le couvent dominicain des Filles-de-la-Croix occupe le terrain. Les religieuses sont expulsées en 1792, reviennent en 1825, jusqu’à la démolition du couvent en 1904. En 1910, les architectes Auguste Labussière et Célestin Longerey construisent un nouveau bâtiment. Ce nouvel hôtel populaire pour hommes célibataires se dépeuple quatre ans plus tard, avec le commencement de la Première Guerre Mondiale. Le bâtiment trouve donc une nouvelle vocation : il devient hôpital de guerre. En 1926, Albin et Blanche Peyron, officiers de l’Armée du Salut, achètent l’immeuble pour accueillir des femmes seules en grande précarité.
L’Armée du Salut n’est pas un groupe de militaires mais un mouvement international protestant fondé en 1865 dans les quartiers pauvres de Londres. Il vise le progrès économique et social par la transformation intérieure de l’homme, avec l’idée que l’Évangile aide à se réconcilier avec lui-même.
Le jardin du docteur Belhomme
De l’autre côté du boulevard Voltaire, aux numéro 157, 159 et 161 de la rue Charonne, se cache la pension Belhomme.
Tout ce qu’on voit, ce sont des immeubles résidentiels complètement banals…
Effectivement ! Maintenant, entrons dans ces résidences (j’ai hésité au début, mais oui, il semblerait qu’on puisse le faire, malgré la présence d’un digicode, la porte s’ouvrait sans problème). Nous arrivons dans le square Colbert, dont le panneau indique d’ailleurs que c’est un jardin public. Au fond à droite, derrière une grille qui en ferme l’accès, se trouve la pension Belhomme.
Au XVIIIe siècle, Jacques Belhomme, menuisier, héberge des fous dans sa pension. Cette activité est en effet bien plus lucrative que la menuiserie. Enfin, seulement quand les fous proviennent de familles riches ! Mais soudain, la Révolution éclate. Le menuisier Belhomme met en place un stratagème assez étonnant. Il s’improvise médecin, médecin pour fous, ça tombe bien, il en a quelques-uns dans sa pension. Avec la probable complicité de Fouquier-Tinville, accusateur public du Tribunal révolutionnaire, il héberge dans sa pension des nobles afin de leur permettre d’échapper à la guillotine. Ceux-ci s’y font transférer pour cause de maladie mentale en soudoyant policiers et médecins. Évidemment, ces services ne sont pas gratuits et les deux compères s’enrichissent.
Ainsi, la majorité des pensionnaires peuvent quitter l’établissement en vie à la chute de Robespierre. Cependant, quelques pensionnaires, réellement fous ceux-là, mais malheureusement bien moins riches que les nobles, se retrouvent délaissés et dénonceront Jacques Belhomme. Condamné, il échappe à sa peine à la fin de la Terreur.
Il ne reste aujourd’hui que le jardin et un pavillon de style néoclassique.
Le quartier de la Roquette
Retour dans la rue de la Roquette
Continuons maintenant notre promenade sur le boulevard Voltaire. Remarquons le numéro de l’immeuble au 172, en mosaïques.
Au numéro 130, l’immeuble en briques rouges possède de nombreuses fenêtres aux frontons sculptés, certains avec des mascarons. Deux visages encadrent la porte, qui possède elle aussi un fronton sculpté, de motifs végétaux en haut, et d’une guirlande aux airs de barques en dessous du numéro de rue.
La rue Popincourt
Tournons tout d’abord à gauche, rue de la Roquette. Au numéro 116, l’immeuble est probablement de style Art déco.
Nous tournons ensuite à droite, rue Popincourt, qui porte le nom du président du parlement de Paris sous Charles VI. Celui-ci fait construire à proximité son manoir. Un hameau apparaît dès le milieu du XVIe siècle. Au début du XXe siècle, le quartier est l’un des plus dangereux de la ville. La bourgeoisie est autant fascinée qu’apeurée par les combats de voyous qui s’y déroulent. Rappelons que ces mêmes voyous, que l’on nomme les Apaches, qui sont des bandes de criminels actifs à Paris à la Belle Époque, sont les mêmes que ceux présents rue de Lappe.
On trouve dans la rue Popincourt des passages, tels que celui des numéros 10 et 12 de la rue, où des habitations se trouvent en retrait de la rue, autour d’un passage calme et vert.
En face, au numéro 9, l’école se trouve dans un bâtiment qui date sûrement de la Belle Époque, la forme des fenêtres se retrouvant dans plusieurs bâtiments Art nouveau que nous avons vus précédemment. En dessous de la fenêtre du milieu se trouve des armoiries présentant un bateau et des lys, surmontés du haut d’une tour à créneaux.
La prison de la Grande Roquette
Faisons demi-tour pour découvrir la partie de la rue de la Roquette se trouvant de l’autre côté du boulevard Voltaire. Au numéro 143 se trouvait la prison de la Grande Roquette. En 1826, le roi Charles X décide la construction d’une prison pour jeunes délinquants. L’architecte Hippolyte Lebas (auteur de l’église Notre-Dame-de-Lorette) bâtit une prison hexagonale, qui finit par accueillir des condamnés à mort. Mais la guillotine, qui se trouvait au départ sur la place de la Grève, a été déplacée à la barrière d’Arcueil (au sud de Paris). C’est un long trajet qui sépare la guillotine de la prison de la Grande Roquette ! On réinstalle finalement la guillotine à l’entrée de la prison de la Grande Roquette.
Des façades dans la rue de la Roquette
Le grand immeuble aux numéros 150 et 152 est de style Art nouveau. De nombreux motifs de branches riches en feuilles et en fleurs le décorent. L’immeuble au numéro 154 ne possède ces motifs végétaux que sous les fenêtres. Enfin, l’immeuble au numéro 158 est lui aussi richement décoré de motifs végétaux en guirlandes et est doté de plusieurs bow-windows.
La Petite Roquette
A gauche de la rue, le square de la Roquette occupe l’emplacement de la prison de la Petite Roquette, construite en 1836. D’abord dédié aux futurs bagnards, la prison de la Petite Roquette devient une prison pour femmes de 1935 jusqu’à sa fermeture en 1974. Au croisement de la rue de la Roquette et de la rue de la Croix Faubin, cinq dalles marquent l’emplacement de la guillotine.
Mais les dalles ne forment pas une croix…
Effectivement ! Au démontage de la guillotine, le directeur de la prison de la Roquette essaya de vendre les dalles au musée Carnavalet ! Mais celui-ci ne se montra pas intéressé et le directeur dût les replacer. Cependant, il ne sût pas les remettre correctement, c’est pourquoi les dalles ont maintenant une disposition hasardeuse.
La basilique Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours
Nous tournons à gauche, rue de la Folie-Regnault, du nom d’un bourgeois parisien qui construisit ici sa maison de campagne au XIVe siècle. Plusieurs impasses s’y trouvent. Les arbres donnent un petit air de campagne, et attirent les oiseaux, dont les chants remplacent le bruit des voitures.
Nous tournons à droite, rue René Villermé et arrivons devant la basilique Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours.
En 1872, le prélat Maurice d’Hulst fait construire une première chapelle, remplacée par une église de style néogothique en 1898. Cette église possède une grande nef avec des vitraux colorés mais sans personnages. Le chemin de croix se compose de tableaux, un dans chaque petite chapelle.
Le quartier Saint-Ambroise
L’Atelier des Lumières
L’Atelier des Lumières, au 38 rue Saint-Maur, est un centre d’art numérique ouvert en 2018 dans une ancienne fonderie du XIXe siècle. Il permet de découvrir en lumière des œuvres artistiques plus anciennes. Le musée est ouvert tous les jours et l’entrée coûte 14.50€.
Nous continuons notre marche dans la rue du Chemin Vert, qui rappelle que cet endroit était en pleine campagne. En effet, elle parcourait des jardins maraîchers au XVIIe siècle.
Ce n’est pas la seule rue dont la toponymie se rapporte à la campagne dans le onzième arrondissement. Il y a par exemple l’impasse des Primevères.
L’église Saint-Ambroise
En 1659, les religieuses de l’ordre de l’Annonciation de la Vierge Marie, installées dans la rue Popincourt, construisent une chapelle. Vendue comme bien national à la Révolution, la mairie de Paris en fait l’acquisition en 1811 et en confie la restauration et l’agrandissement à l’architecte Etienne-Hippolyte Godde. Mais le percement du boulevard du Prince Eugène (qui sera renommé “boulevard Voltaire” en 1870) entraîne la démolition de l’église.
L’architecte Théodore Ballu, auteur de l’église de la Sainte-Trinité dans le neuvième arrondissement, construit une nouvelle église de 1863 à 1868. Le nouvel édifice est de style éclectique et mélange les styles néo-romans, néo-gothiques et néo-byzantins. Durant la commune, l’église Saint-Ambroise est le siège du Club Ambroise, qui édite le journal Le Prolétaire. Elle devient provisoirement une poudrière en 1871. Plus récemment, le 18 mars 1996, trois cents migrants en situation irrégulière, demandant leur régularisation, occupent l’église. La forte médiatisation de cet évènement est à l’origine du mouvement des sans-papiers.
Le porche couvre trois entrées, chacune possédant un tympan en lave émaillée de style néo-byzantin. L’intérieur, modestement décoré, où domine le style néo-roman, possède un autel à baldaquin éclairé par des lustres. On trouve plusieurs tableaux réalisés par Jules-Eugène Lenepveu ainsi que des vitraux représentant des saints. La sobriété des décors s’explique par un besoin d’économie budgétaire. Avec l’utilisation d’une charpente métallique et de nouvelles techniques de construction, l’édification de l’église Saint-Ambroise fût bien moins coûteuse que celle de l’église de la Sainte-Trinité, construite à la même époque (1861-1867).
Le quartier Folie-Méricourt, autour d’Oberkampf
Nous nous éloignons du boulevard Voltaire en prenant la rue Saint-Ambroise puis tournons à gauche, rue Saint-Maur. Au numéro 70 de l’avenue de la République, à l’angle de cette avenue avec la rue Saint-Maur, l’immeuble de style Art nouveau possède des bow-windows et des guirlandes de pommes de pin. En continuant sur la rue Saint-Maur, nous arrivons rue Oberkampf, que nous prenons sur la droite.
La rue Oberkampf
En 1778, on construit ici un lotissement : la Nouvelle Angoulême. Ce quartier de campagne, avec ses jardins maraîchers, se compose alors de maisons avec un étage, dont quelques-unes ont subsisté. Au XIXe siècle, des menuisiers, des charpentiers et des fondeurs occupent la rue Oberkampf. Puis, des commerçants arrivent, une vocation que la rue conserve aujourd’hui. Elle est aujourd’hui très animée, et nous allons la parcourir en deux temps. Remarquons au numéro 143 un mur avec du street art.
Au numéro 5 rue Crespin-du-Gast, le musée Edith Piaf est consacré à la célèbre chanteuse, née dans le onzième arrondissement. C’est dommage qu’il ne soit pas plus mis en valeur, car on pourrait facilement passer devant sans le voir. A savoir que le musée n’ouvre que sur réservation préalable. Il se trouve en effet dans l’appartement privé d’un particulier, un fan de la chanteuse qui a constitué une collection pour ce musée à partir de divers objets ayant appartenu à la chanteuse.
Tournons à gauche, boulevard de Belleville, puis encore à gauche, rue Jean-Pierre Timbaud.
La rue Jean-Pierre Timbaud
Cette rue porte le nom d’un syndicaliste communiste fusillé par les nazis en 1941. Les abords de la rue mélangent enseignes bios, surtout dans la partie ouest qui s’embourgeoise, et commerces musulmans. La mosquée Omar ibn al-Khattâb se trouve dans un ancien bâtiment industriel. Contrairement à la Grande Mosquée de Paris, dans le cinquième arrondissement, on ne remarquerait pas que c’est une mosquée si ce n’était pas inscrit sur la porte !
En face, au numéro 94, la Maison des Métallos n’est pas une salle de concert de heavy métal mais est un établissement proposant des expositions, des spectacles et des concerts. Avant cela, le bâtiment fût un ancien atelier de fabrication d’instruments de musique puis le siège du syndicat des métallurgistes.
Au centre de la rue, entre la Maison des Métallos et la mosquée, Jules Pendariès a réalisé la statue Le répit du travailleur en 1925.
Les mains du travailleur reposent sur du vide. A sa création, elles s’appuyaient sur une pioche, qui a depuis disparu.
Tournons à droite, rue Morand puis à gauche, rue de la Fontaine au Roi.
La rue de la Fontaine au Roi
La rue de la Fontaine au Roi tient son nom des conduites aménagées au XVIIe siècle pour amener l’eau de Belleville vers Paris. Elles alimentaient notamment le palais du roi. Le 28 mai 1871, la rue de la Fontaine au Roi est la dernière rue tenue par les Communards. Aux numéros 62 et 64, le bâtiment du collège Lucie-et-Raymond-Aubrac est couvert de vigne vierge.
Juste avant, la rue Saint-Maur mène à l’église Saint-Joseph-des-Nations.
L’église Saint-Joseph-des-Nations
L’architecte Théodore Ballu construit cette église de style néo-roman de 1867 à 1874, juste après l’église Saint-Ambroise. La population du quartier est alors en pleine croissance, grâce à l’arrivée de travailleurs de province et des habitants éloignés du centre de Paris, en pleins travaux Haussmanniens. En 1899, l’église, prise dans des affrontements entre dreyfusards et anti-dreyfusards, est incendiée.
Une unique flèche de soixante mètres de haut surmonte le portique de l’église. Ce qui m’a surpris en entrant, c’est que les portes sont automatiques et s’ouvrent toutes seules à l’approche du visiteur ! La nef, éclairée par des vitraux réalisés par Oudinot en 1868, est encadrée par deux bas-côtés. On trouve des tableaux en lave émaillée. Cependant ils ne sont pas sur le portique comme pour l’église Saint-Ambroise mais autour du cœur. Des petits tableaux en forme de croix forment le chemin de croix.
De retour rue de la Fontaine au Roi, nous arrivons au boulevard Jules Ferry, dont le terre-plein central recouvre le canal Saint-Martin.
Quelques façades dans l’avenue de la République
Du côté droit de l’avenue, le numéro 13 présente des médaillons avec des visages sur sa façade. Au-dessus de la porte, deux putti, dont les jambes se confondent avec des branchages, portent un plus gros médaillon. L’immeuble apparaît ici de style Art nouveau, tout comme celui au numéro 7. En revanche, ce dernier n’est pas doté de décorations végétales mais est surmonté d’un lanterneau de style phare. L’architecte Eugène Meyer, le ferronnier d’art Edgar Brandt et le maître verrier P. Roye, s’ils ont réalisé des décorations sur la façade qui ont disparu, ont également décoré l’intérieur (lampe dans le hall d’entrée, escalier…). L’immeuble était destiné à des industriels suisses spécialisés dans la construction de machines à vapeur.
L’immeuble au numéro 6 est lui aussi décoré, surtout le premier étage avec en alternance des têtes d’hommes et des têtes de lion.
Parcourir le boulevard Richard-Lenoir jusqu’à la place de la Bastille
Le boulevard Richard-Lenoir, nommé en l’honneur des industriels et associés François Richard et Joseph Lenoir-Dufresne, recouvre le canal Saint-Martin. Ce recouvrement, réalisé en 1859 et 1860, avait pour but de supprimer un obstacle séparant la capitale du faubourg Saint-Antoine. Les révolutionnaires de 1848 s’en étaient en effet alors servi de ligne de défense. De plus, la création d’un grand espace plat pouvait faciliter les charges de cavalerie et le transfert de troupes. Le terre-plein central contient quinze squares dessinés par Davioud, avec par exemple des bancs Davioud, dont on installa 8428 exemplaires dans toute la ville de Paris en 1869.
Le nord du boulevard Richard Lenoir
Au numéro 140 du boulevard Lenoir, des traces d’un ancien atelier de faïence subsistent avec le nom de l’enseigne, ainsi qu’une publicité en carrelage à gauche.
Nous retournons sur l’avenue de la République, en sens inverse par rapport à notre trajet précédent dans cette rue. Tournons ensuite à gauche, rue des Trois Bornes, puis pénétrons dans la rue de la Pierre Levée. Le nom de cette rue tient à la découverte d’une pierre pouvant avoir fait partie d’un autel de druides à l’Antiquité. Un menhir, et donc une pierre levée. Au numéro 4, l’architecte Paul Sédille, auteur des magasins du Printemps, construit l’ancienne faïencerie Loebnitz en 1884. Trois panneaux en céramiques de la façade proviennent de la porte du pavillon des Beaux-Arts, primée médaille d’or lors de l’Exposition universelle de 1878.
Nous retournons sur le boulevard Richard-Lenoir. Une tête de lion se trouve au-dessus de la porte de l’immeuble au numéro 120. Décidément, ces fauves envahirent Paris à la Belle Époque ! L’immeuble est ici aussi de style Art nouveau, en témoignent les guirlandes et la forme des fenêtres du dernier étage.
Retour sur la Rue Oberkampf
Divers immeubles
Tout d’abord, à gauche, signalons un triplé d’immeubles aux numéros 41, 43 et 45. Bien qu’ils datent tous trois de la Belle Époque, ils ont chacun un style propre.
De l’autre côté de la rue, la devanture du 1 rue de Malte présente des panneaux peints aux tons pastels entre les vitrines et les portes. Au bout de la rue, le Cirque d’Hiver Bouglione se trouve à droite.
Le Cirque d’Hiver Bouglione
Au XIXe siècle, le Cirque de l’Impératrice, situé sur les Champs-Élysées, ferme tous les hivers. L’architecte Jacques Hittorff construit donc le Cirque d’Hiver, en opposition au Cirque d’Été (nom du Théâtre de l’Impératrice, avant cette appellation). Le cirque, de forme circulaire, est dédié à l’art équestre. C’est ici que Jules Léotard inaugure l’art du trapèze volant. En 1861, Jules Pasdeloup donne le premier de ses concerts de musique classique. Ses efforts pour rendre la musique des maîtres du classique lui valent les éloges de Berlioz, mais aussi des subventions ! Il a donné son nom à la place qui jouxte le Cirque d’Hiver Bouglione. Mais la musique classique finit par s’essouffler, les organisateurs se séparent et la musique de Wagner attire moins de monde. Un temps transformé en cinéma, le bâtiment reprend sa vocation de cirque en 1923, qu’il a conservée depuis.
Mais pourquoi “Cirque d’Hiver Bouglione” ?
Car en 1934, la famille Bouglione, une grande famille française de cirque, rachète le Cirque d’Hiver, tout simplement !
L’extérieur du Cirque d’Hiver Bouglione est décoré de bas-reliefs réalisés par les grands sculpteurs et peintres de l’époque : James Pradier, Nicolas Gosse, Félix-Joseph Barrias, Francisque Durret…
Remarquons de l’autre côté de la place l’immeuble décoré au numéro 17 du boulevard des Filles du Calvaire.
Retournons maintenant dans le boulevard Richard-Lenoir, en tournant d’abord à droite, boulevard Voltaire.
Le sud du boulevard Richard-Lenoir
Le Bataclan
Le Bataclan, tristement célèbre pour les attentats du 13 novembre 2015, existe cependant depuis le 3 février 1865 et a été inscrit aux titres des monuments historiques en 1991. A l’origine, ce devait être un café concert avec une architecture chinoise, dont on remarque les inspirations. A l’époque, le toit est celui d’une pagode chinoise ! Le nom est constitué des trois syllabes, mais initialement séparées, et a ainsi une consonance chinoise. Tour à tour théâtre, salle de cinéma, le Bataclan devient une salle de concerts dans les années soixante-dix.
Quelques immeubles
Nous sommes maintenant vraiment sur le boulevard Richard-Lenoir. Au numéro 95, l’immeuble présente une baie à menuiseries métalliques en son centre et quelques guirlandes sur sa façade. L’immeuble des numéros 89 et 91 est quant à lui en briques, avec deux bow-windows, et semble faire la transition entre deux styles.
La rue Saint-Sabin
La Cour du Coq se trouve au numéro 60 et un coq orne sa grille d’entrée. Cette cour aux airs de campagne faisait la fierté de son propriétaire.
L’immeuble au numéro 39 possède au premier étage des fenêtres ornées chacune d’un fronton triangulaire et au deuxième étage d’une longue guirlande fixée au mur par deux statues de femmes. Celle-ci est bien plus grande que celles ornant la façade du numéro 37.
L’Art nouveau dans le boulevard Richard-Lenoir
La rue du Chemin Vert nous ramène au boulevard Richard-Lenoir. L’immeuble au numéro 42, richement décoré, arbore une tête de femme au milieu de branches au-dessus de la porte à l’angle, ainsi que de multiples décorations végétales autour des fenêtres… Réalisé par l’architecte Louis Fagot en 1906, décoré par Anciaux, il était destiné à un industriel.
Le même duo a réalisé le bâtiment de style Art nouveau du numéro 78, alors que c’est un autre architecte qui a construit celui du numéro 48, richement décoré au dernier étage.
Enfin, nous terminons avec l’immeuble au numéro 2 de la rue Sedaine, sur la façade duquel se trouve un médaillon représentant Michel-Jean Sedaine, l’auteur dramatique ayant donné son nom à cette rue. Et un dernier immeuble au 2 boulevard Richard-Lenoir.
A ne pas manquer
La plus belle église : L’église Sainte-Marguerite.
Les deux rues à voir : Le boulevard Richard-Lenoir, pour l’architecture de plusieurs façades, et la rue du Faubourg Saint-Antoine pour les passages.
Et bien sûr, la place de la Bastille et le Cirque d’Hiver Bouglione.
Le mot de la fin
J’avoue avoir d’abord été assez déçu par le onzième arrondissement, où on trouve vraiment peu de choses. Durant mon deuxième jour de visite, j’ai essayé de prêter plus attention aux détails, et c’est ainsi que je me suis plu à repérer des immeubles bien décorés, ou à relier ce que je voyais à des périodes de l’histoire de l’arrondissement. Finalement, je me suis retrouvé avec pas mal de matières pour rédiger mon article. Il faut dire que nous arrivons dans des arrondissements plus vastes que les précédents, et cela compense un peu le manque de choses exceptionnelles à voir.