Visiter Asilah et Larache : de la médina artistique aux ruines antiques
Asilah est une petite ville pittoresque sur la côte atlantique, avec une médina tranquille et des plages où se reposer. Afin de découvrir davantage la richesse de la région, nous allons aussi visiter Larache, une autre ville près de l’océan Atlantique, plus connue pour le site antique de Lixus. Ainsi, nous commençons par une pause en bord de mer, puis ajoutons une dose d’histoire à la dernière étape de notre voyage dans le nord du Maroc.
L’histoire d’Asilah
Le site où se trouve Asilah est occupé dès l’Antiquité par les Phéniciens. Elle devient ensuite une colonie romaine, puis est conquise par les arabes. Mais la succession de conquêtes ne s’arrête pas là. Les Normands mènent plusieurs assauts contre la ville. Le calife omeyyade de Cordoue la reconstruit en 966. Au XIVe siècle, c’est un lieu de commerce, notamment avec les Européens. Parmi ces européens, les Portugais prennent d’assaut la ville en 1471 avec 30 000 hommes transportés par une armada de presque 500 navires. Asilah leur sert de base pour attaquer le reste de la région. Puis, la ville passe sous contrôle espagnol. En 1691, le sultan Moulay Ismaïl en reprend le contrôle. C’est une base pour les pirates jusqu’en 1912 et l’établissement du protectorat espagnol.
Près de la mer, avec une petite médina et une activité artistique très présente, Asilah a rapidement attiré les touristes, qui sont nombreux à visiter sa médina. Ils ont investi la médina a tel point qu’il ne resterait dans celle-ci que treize familles marocaines !
Visiter Asilah
La médina d’Asilah
Ce sont les Portugais qui, au XVe siècle, ont construit la muraille qui entoure encore la médina. Un après-midi suffit amplement à en faire le tour. En venant de la gare routière, on arrive devant la tour Bab el-Homar.
Cependant, je vous conseille avant toute chose de tourner à droite, avenue Ibn Batouta et de longer le mur d’enceinte. En effet, au croisement entre l’avenue Mohamed el Haloui et de l’avenue Imam Assili se trouve un panneau avec un plan de la médina indiquant l’emplacement des lieux à voir. Ainsi, nous connaissons facilement la localisation de nombreuses tours ou portes.
Une première façon de visiter la médina d’Asilah peut être de faire le tour des remparts. Je vous conseille, une fois le plan photographié, de commencer par la portion du mur jouxtant la plage. En effet, il n’est pas possible de longer la partie côté océan sur toute sa longueur. Il faudra donc faire demi-tour.
Une deuxième façon de visiter la médina d’Asilah est bien sûr d’y entrer et de parcourir ses ruelles.
La particularité de cette médina est qu’on y trouve de nombreuses œuvres de street art. Elles ne sont qu’éphémères et peuvent être remplacées du jour au lendemain par une autre, faisant de chaque visite d’Asilah un moment unique. Tant qu’on parle d’art, il faut savoir qu’un moussem (festival) culturel a lieu tous les ans à Asilah en juin (ou juillet-août ?). En effet, en 1978, des artistes marocains animèrent de premiers ateliers artistiques pour les enfants, ateliers à l’origine de la tradition artistique de la ville.
Il y a aussi quelques monuments historiques à voir dans la médina ! Tout d’abord, la grande tour, construite par les Portugais, leur servait pour surveiller la côte.
Ensuite, la Grande Mosquée est à quelques mètres de là. Le centre Hassan II des rencontres internationales accueille des colloques durant le moussem culturel. Le reste du temps, on peut y voir des œuvres d’artistes d’Asilah et de sa région. On ne voit pas très bien s’il est ouvert quand on passe devant, alors n’hésitez pas à pousser la porte.
En longeant l’océan, on passe sous une voûte qui nous permet d’accéder à la cour du palais de Raissouni. La Fondation du forum d’Asilah a investi les lieux, et a pour objectif la promotion du dialogue interculturel de l’espace méditerranéen. Le bâtiment n’est ouvert que lors du moussem culturel. Il propose alors des expositions d’œuvres d’art et des concerts. Une occasion pour le visiteur de jeter un œil sur l’architecture de ce bâtiment arabo-andalou du début du XXe siècle.
Le soir, vous pouvez, comme de nombreux locaux et autres touristes, vous rendre sur le bastion à l’extrémité sud-ouest de la médina, afin d’admirer une vue sur les remparts côté océan ainsi que le coucher de soleil. Il y a des alternatives : admirer les remparts depuis la plage d’Asilah, qui se trouve entre ceux-ci et l’océan, ou profiter du coucher de soleil depuis l’autre plage, qui se trouve au sud-ouest du bastion, devant le café Daya.
Qui est Raissouni ?
Vous vous en souvenez peut-être, nous avons déjà parlé de lui lors de notre visite de Tanger. Raissouni commence très tôt ses activités de voleur. Cependant, à dix ans, il ne vole que des moutons parmi les troupeaux des villages près de chez lui. Ce qui est déjà répréhensible, bien sûr. Le juge qu’il rencontre est aussi de cet avis, et Raissouni finit en prison. A sa sortie, c’en est fini des vols de moutons. C’est bon, il va vivre une vie d’honnête homme. Ah non, ça, c’était sûrement le souhait de sa mère.
Raissouni continue sa vie de brigand. Mais quitte à finir en prison, autant que ce soit pour un méfait plus impressionnant qu’un vol de moutons, non ? Raissouni enlève des journalistes étrangers afin de toucher une forte rançon. Se forgeant une réputation redoutée, il devient en 1908 pacha d’Asilah, étant nommé à ce poste par le sultan, qui espère que des responsabilités l’assagiront. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Raissouni se lance dans tous les business possibles : il met en avant son influence devant les espagnols, qui lui permettrait de pacifier le nord du pays à leur profit. Pour obtenir des armes des Allemands, il négocie avec eux le trône du Maroc s’ils gagnent la guerre…
Malheureusement pour lui, les Allemands perdent la guerre, et lui perd tout. Les Espagnols le chassent d’Asilah, le sultan lui retire sa confiance et Abd el-Krim le fait prisonnier. Raissouni meurt peu après sa capture, en 1925.
Les plages d’Asilah
La plage d’Asilah se trouve au nord de la ville. Elle se trouverait à 5 km au nord à en croire Google Maps, mais j’ai vu de nombreux marocains à la plage entre la gare d’Asilah et la médina. En parlant de médina, il y a une plage juste devant les remparts. Si vous avez un véhicule, vous pouvez faire un tour à la plage de Las Cuevas, à 5 km au sud. J’y avais pensé, mais je n’avais pas trop envie de prendre un grand taxi juste pour aller à la plage…
Cromlech de M’Zora
Situés à 27 km au sud-est d’Asilah,environ 200 monolithes taillés en grès occupent ce site. Les monolithes, de 50 cm à 6 m, entourent un monument funéraire. Le tout date du néolithique (entre 6000 et 2200 ans avant notre ère) ! Par contre, sans voiture, je pense que ce n’est pas évident de s’y rendre…
Se déplacer à Asilah
Une gare ferroviaire, de style Art déco, relie Asilah au réseau de trains reliant Rabat à Tanger. Située un peu loin de la ville, il peut être pratique de prendre un petit taxi pour 15 dirhams. En revanche, une dizaine de minutes de marche sont suffisantes pour atteindre la gare routière depuis la médina.
Visiter Larache
Un peu d’histoire
C’est à Lixus que les arabes s’installent dans un premier temps, lorsqu’ils arrivent dans la région à la fin du VIIe siècle. Cependant, ils décident rapidement de déménager sur l’autre rive du fleuve et fondent Larache. Lixus reste cependant habitée jusqu’au XIVe siècle/ Devenant une place de commerce, Larache est, tout comme Asilah, entourée de remparts au XVe siècle mais par les souverains de Fès, et non les Portugais. Pour les activités de pirateries y ayant cours, la ville subit des représailles de ces derniers. Elle passe sous contrôle espagnol en 1610, puis Moulay Ismaïl l’arrache à ces derniers à la fin du XVIIe siècle. En 1860, les Espagnols sont de retour et bombardent la ville, en même temps qu’ils lancent une expédition contre Tétouan. En 1911, Larache se retrouve intégrée dans la zone du protectorat espagnol.
Se rendre à Larache
Le principal problème d’Asilah, c’est que j’y étais pour trois jours mais qu’en un après-midi, j’avais déjà bien parcouru la médina… Je suis donc parti une journée à Larache.
Larache se trouve à 42 km d’Asilah, et il faut à peu près autant de minutes pour s’y rendre. La route traverse de grands champs de blé, dans lesquels les moissonneuses batteuses s’activent. La récolte se fait donc un peu plus tôt qu’en France (pour rappel, ce voyage a lieu début juin).
Si vous souhaitez visiter le site antique de Lixus, je vous conseille de le dire à votre chauffeur afin qu’il vous y arrête. En effet, le site se trouve 4 km avant Larache en venant d’Asilah. Depuis le croisement, il n’y a que quelques mètres de marches. Sinon, le taxi va jusqu’à la gare routière de Larache, depuis laquelle prendre un taxi pour se rendre à Lixus coûte 20 dirhams.
Le site antique de Lixus
Les Phéniciens occupent le site dès le VIIIe siècle avant J.-C. Puis Lixus devient une colonie romaine entre 40 et 43. Quand à la fin du IIIe siècle, les colons sont évacués, la prospérité de la ville décroît. Mais elle subsiste jusqu’au déménagement de la population sur l’autre rive, à Larache.
Le site de Lixus se situe sur une colline qui domine les environs, d’anciens marécages traversés par un fleuve. Depuis l’Antiquité, il y a ici des marais salants. D’ailleurs, le premier arrêt est la visite des ateliers liés à cette activité. La visite dure entre 45 minutes et une heure. Un chemin conduit à tous les sites d’intérêt : des ateliers, un amphithéâtre (le seul retrouvé dans cette région), une basilique, une ancienne demeure, des remparts… Le plus souvent, ce sont surtout des tas de cailloux, et il est difficile de s’imaginer la vie et l’apparence du site à l’époque romaine. En revanche, étant donné son emplacement, il apparaît assez vite que c’était un site stratégique.
A un moment, il est un peu difficile de suivre le chemin, mais heureusement, deux touristes me rattrapent, avec un guide qui m’indique la voie à suivre. En parlant de guide, cela aurait été fort utile, afin de donner du sens à ces vestiges. Il y avait une mosquée (le site a été ensuite occupé après la conquête arabe), mais difficile à dire à quel tas de pierres elle correspondait. Je termine la visite par un musée avec deux salles, présentant l’histoire du site, divers objets des différentes époques d’occupation, des images des mosaïques… Car les mosaïques ont pour la plupart été dispersées dans d’autres musées. Souvenez-vous du musée archéologique de Tétouan.
Découvrir les ruines antiques de Lixus complète à merveille le programme de notre voyage dans le nord du Maroc, car l’époque et le style antique ont été peu présents lors de nos précédentes visites. D’autant plus que je n’avais pas pu visiter le site de Volubilis lors de ma visite de Meknès.
La place de la Libération
L’ancienne Plaza de España, maintenant renommée en “place de la Libération”, est entourée de bâtiments de style espagnol de l’époque coloniale. D’autres bâtiments du même style se trouvent à proximité, dont certains auraient bien besoin d’une rénovation d’ampleur. Une grande porte marque l’entrée de la médina.
Le long de l’avenue Mohammed V, à quelques mètres de la place, l’église Nuestra Señora del Pilar, construite en 1931, mélange un style rationaliste, des décors avec des arabesques et des formes cubiques. Un grand dôme couvre l’un des transepts.
Visiter la médina de Larache
Pas facile de visiter une médina en une heure ou deux. C’est pourtant ce que j’ai dû faire, ne souhaitant pas rentrer trop tard à Asilah, devant préparer mon retour en France. La Bab el-Khemis est constituée d’une façade en briques et d’un auvent de tuiles couvertes de vernis. Une place “étirée”, ressemblant presque à un simple élargissement de la rue, se trouve peu après la porte. Les galeries d’arcades accueillent de nombreux marchands. Je ne sais pas si c’était voulu, mais au moins 90% des échoppes ouvertes se trouvaient à l’ombre lors de mon passage ! La médina de Larache est plus grande que celle d’Asilah, mais moins que celles de Tanger, Tétouan ou Chefchaouen. En revanche, comme dans celles de Tanger et Rabat, les murs blancs sont colorés à leur base en bleu.
La kasbah de Larache
Au bout du souk qui se trouve derrière la Bab el-Khemis, la Bab al-kasbah donne accès à la kasbah. On y trouve plusieurs éléments d’intérêt : la demeure du gouverneur, avec sa grande horloge, la mosquée de l’Anouar, avec son minaret octogonal, les ruines de la kasbah de la Cigogne, construite par les Espagnols au XVIIe siècle, la place el-Makhzen et plus loin, une vue sur le Loukos et la plaine entre Larache et Lixus. Pour cette dernière, tournez à droite tout de suite après Bab al-kasbah.
Je ne sais plus trop comment, j’ai rejoint le front de mer.
Je suis ensuite remonté dans la médina au niveau d’une forteresse avec quatre tours : l’ancienne forteresse de Kebibat.
Le mot de la fin
Asilah est une petite ville au bord de l’océan, bien plus intéressante que la station balnéaire d’Al-Hoceïma. La petite médina n’a pas l’intérêt de celles de Marrakech, Fès ou Chefchaouen, mais conserve un charme certain, au bord de la mer. Par sa petite taille, on évite de se perdre et l’art de rue offre une originalité à la visite de la médina, que n’ont pas les médinas que j’ai déjà visitées. En revanche, il n’y a pas grand chose à voir, et je me dis qu’une possibilité aurait été de loger à Larache le dernier jour, afin de disposer de plus de temps pour visiter sa médina, plus vaste que celle d’Asilah et renfermant plus de monuments à découvrir. Ce fût néanmoins une halte bienvenue avant la reprise du travail.