Un rapide passage à Fès
Plus d’un mois après mon arrivée au Maroc, j’ai enfin l’opportunité de visiter l’une des villes figurant au programme. Ne pouvant pas conduire de voiture du centre où je travaille, je profite du week-end à Fès organisé par des collègues pour organiser une petite visite de la ville. La visite, si elle n’a duré qu’un grand après-midi, nous a tout de même permis de visiter la plus grande partie de la médina. Un grand après-midi, du samedi en fin de matinée au dimanche midi, sans avoir fait de visite le matin.
L’histoire de Fès
Les débuts de la ville
Fès, qui est parfois surnommée la Reine ou la Baghdad du Maghreb, l’Athènes de l’Afrique, la Prestigieuse, a un nom qui provient de l’arabe فأس (Fä’s) qui signifie « pioche ». Ouais, c’est moins glamour. La légende raconte que l’on aurait découvert une pioche lors de l’édification des premières murailles de la ville. A moins que ce soit Idris Ier, le fondateur de la ville, qui ait creusé les fortifications lui-même avec une pioche. En or, parce-que bon, ce n’était pas n’importe qui non plus.
Pour en revenir à l’Histoire, même si je sais que vous aimez bien les légendes, c’est le souverain Idris Ier qui commença à construire la ville en 789. Souvenez-vous, nous avions déjà parlé de ce souverain qui fonda la dynastie des Idrissides. Il fuyait alors le calife de Bagdad, avec lequel il avait quelques soucis. En 808, c’est une deuxième ville qui voit le jour de l’autre côté de l’oued Fès. La présence d’eau est primordiale pour l’installation de ces deux villes. La position de Fès, en plein carrefour commercial entre la Méditerranée et l’Afrique subsaharienne, est propice au développement de la ville. Tout comme l’arrivée d’immigrants venus de divers endroits, qui apportent de la diversité et des savoir-faire à une ville destinée à un rayonnement culturel important.
Fès au Moyen-Age
Au début du IXe siècle, des centaines de familles andaloues chassées de leur pays viennent s’installer à Fès. Elles donnent leur nom au quartier des Andalous. Puis, ce sont des familles venant de Tunisie qui arrivent. Fès devient un centre de renommée, à l’âge d’or de la civilisation islamique. En 859, la construction de la mosquée universitaire Quaraouiyine débute. C’est la plus ancienne université encore en activité dans le monde ! Les deux parties de la ville s’unissent en 1069, après la prise de la ville par les Almoravides. Ces derniers, s’ils ont leur capitale à Marrakech, récemment construite, font de Fès un centre religieux. Cela explique le nombre impressionnant de mosquées dans la ville : environ 350 ! Soit suffisamment pour que je ne les ai pas comptées !
La ville est démunie de son statut de capitale au XIe siècle. Elle le retrouvera sous la dynastie des Mérinides, qui débute en 1269. Ils fondent une nouvelle ville en 1276, connue comme Fès Jedid (la nouvelle Fès) tandis que la première est connue comme Fès el Bali (la vieille ville, et non rien à voir avec la célèbre île indonésienne !). Les arrivées de populations d’Andalousie se poursuivront jusqu’à la reconquête de Grenade en 1492 par les troupes d’Aragon et de Castille, qui marque la fin de la présence musulmane en Espagne.
Mais la chute de la dynastie des Mérinides marque la fin de cet âge d’or pour la ville. Elle sombre dans les troubles, les épidémies et autres trucs pas très joyeux. Les Saadiens établissent leur capitale à Marrakech et délaissent Fès quand ils réunissent le pays en 1554. Entre temps, il y a eu une brève restauration de la dynastie des Idrissides puis les Watassides, une dynastie berbère… Ça pourrait faire l’objet d’un ajout dans l’article sur l’histoire du Maroc !
Après le Moyen-Age jusqu’au XXIe siècle
Elle ne retrouvera de l’éclat qu’à l’arrivée au pouvoir des Alaouites en 1664, qui en font la capitale culturelle du Royaume. Au XIXe siècle, on relie les deux parties de la ville. Si c’est à Fès qu’est signé le protectorat français (et espagnol) en 1912, c’est aussi Fès qui devient le premier foyer de rébellion, trois semaines plus tard. Arrivé au Maroc en 1912, le maréchal Lyautey construit des quartiers nouveaux aux grandes avenues au délà de la limite de la ville, que l’on appelle maintenant la ville nouvelle (oui comme la précédente !).
C’est à cette période que la capitale du Maroc devient Rabat. Le centre administratif du pays migre alors vers l’océan Atlantique, de même que les Fassis, les riches familles de Fès, qui constituent une grande part de l’élite du pays. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, Fès est l’un des foyers du parti nationaliste qui milite pour l’indépendance. En 1944, c’est dans une maison de l’ancienne médina qu’est rédigé le Manifeste pour l’Indépendance.
Enfin, malgré l’appel de l’océan auquel ont succombé les élites, Fès est néanmoins restée un centre culturel important jusqu’à aujourd’hui. Bien que la situation économique et sociale de la ville se soit progressivement dégradée, des investissements ont été réalisés pour restaurer le patrimoine historique de la ville, qui est sûrement l’un des plus riches du Maroc !
Visiter la médina de Fès
La mosquée-université Quaraouiyine et la recherche de notre logement
Nous commençons la visite de la médina par la place R’cif.
La première partie de la visite consiste à trouver l’hébergement que nous avons réservé. Nous nous perdons ainsi dans les rues de la médina. Dans les nombreux magasins, on trouve principalement des objets en cuirs (chaussures, sacs…), des vêtements, des bijoux et de la vaisselle en céramique… La circulation n’est pas forcément aisée. En effet, c’est une foule assez dense qui parcoure la rue en montée que nous empruntons, la Talaa Kebira, l’une des principales rues de la médina. Nous passons devant la mosquée Quaraouiyine, la première université du monde ! Fermée au public, on ne peut que jeter un coup d’œil à travers le grillage.
Les sources s’accordent pour attribuer la fondation de cette mosquée, à la fin du IXe siècle, à Fatima al-Fihriya, la fille d’un riche homme d’affaire immigré de Kairouan, en Tunisie. Ce serait ainsi la plus vieille université encore en activité, même si les sources divergent quant à la date d’ajout de l’université à la mosquée. Serait-ce les almoravides ou les mérinides qui l’ont décidé ? Ce centre névralgique de Fès attira quelques-uns des plus grands savants du XIIe siècle : les philosophes Avenpace et Averroès, des géographes, les fondateurs du courant soufisme, et même le pape Sylvestre II peu avant l’an mil qui y étudia les mathématiques avec les nombres arabes.
Et la mosquée en elle-même n’est pas en reste, puisqu’elle peut accueillir plus de 20 000 fidèles !
En ce qui concerne notre hébergement, c’est un peu la galère, jusqu’à ce que nous montrions la photo de la famille à un passant, qui les reconnaît. Car si nous, nous sommes perdus, tout le monde semble se connaître dans cette médina qui est une véritable ville dans la ville.
Continuer les études dans la médina : la médersa Bou Inania
C’est la médersa Bou Inania qui sera le premier lieu que je visiterai.
Cette medersa est construite en 1350 sous la dynastie des Mérinides. C’est l’une des seules medersas de la ville dotée d’un minaret. Cela pourrait s’expliquer par l’absence de mosquée aux alentours lors de sa construction. Petite précision pour ceux qui ne savent pas ce qu’est une médersa : c’est une école pour étudier la loi coranique. Mais on pouvait y étudier d’autres domaines tels que l’arabe et sa grammaire, ainsi que les mathématiques. Les étudiants pouvaient prier dans la salle soutenue par 4 piliers d’onyx.
En face de l’entrée, ne ratez pas ce qu’il reste d’une horloge à eau, dont le fonctionnement demeure mystérieux.
La magnifique porte Bab Bou Djeloud et les achats dans la médina
Après la médersa Bou Inania, il est temps de se diriger vers Bab Bou Djeloud, la porte bleue. Cette porte est en fait un ajout de 1913 sur une porte préexistante datant du XIIe siècle. Elle donne sur la Talaa Kebira menant à la medersa Bou Inania et à la mosquée Quaraouiyine.
Après une pause dans un café devant la porte, la soirée approchant, il est temps de se diriger vers notre hébergement. C’est au hasard de notre promenade que nous passons devant le palais Mnebhi. C’est dans ce palais que l’établissement du protectorat a été signé en 1912. Ce fût également la première résidence du maréchal Lyautey au Maroc. L’intérieur est bien décoré et mérite quelques photos. A l’étage se trouve une terrasse depuis laquelle on a une vue sur la médina, ainsi que les tombeaux des Mérinides sur la gauche. Dommage que la mosquée Quaraouiyine se trouve derrière des antennes téléphoniques…
Attention cependant : l’homme présent dans la salle nous a annoncé que le lieu recueillait des veuves démunies. Il nous a ensuite demander une contribution. Si je ne peux avec certitude démentir la présence des veuves, mes recherches ultérieures indiquent toutes la présence ici d’un restaurant. Nulle trace de cette histoire de veuves démunies, si ce n’est dans les commentaires de voyageurs sur TripAdvisor disant s’être fait avoir.
Après ça, nous continuons notre route, et ce sera mon collègue qui fera le premier achat dans la médina. Le vendeur berbère nous a par la même occasion appris comment différencier l’argent du métal argenté. En frottant le bijou contre une ardoise, on fait une marque. Si celle-ci disparaît au contact d’un liquide adapté, c’est que c’était du métal argenté. L’argent, quant à lui devient bleu. C’était sympa, et cette démarche a sûrement aidé à déclencher la vente !
Les dernières visites en soirée
Les tanneries de Fès
Pendant que mon collègue se faisait couper les cheveux, je décide d’attendre. Après tout, le coiffeur pour un mec, c’est 10-15 minutes maximum ! Et comme je suis toujours sans téléphone marocain, je ne voudrais pas prendre le risque de me perdre… Mais un européen qui n’a rien à faire dans la médina ? Impossible ! Je suis vite alpagué par un marocain bien décidé à me faire découvrir je ne sais quoi. Il est insistant, je finis par le suivre. Oui, la force de persuasion, ça fonctionne sur moi ! Ce n’est pas forcément très rassurant quand on emprunte des petites ruelles un peu désertes, mais nous finissons par atteindre une tannerie.
Cette tannerie est divisée en deux parties : la partie arabe et la partie berbère. Les premiers font surtout des chaussures tandis que les seconds font aussi des sacs par exemple. Mon guide ne parle pas super bien français mais je pense comprendre le principe. Il y a plusieurs « bacs » dans lesquels est contenue la teinture, qui peut être obtenue à partir d’épices comme le safran par exemple. Les couleurs sont conservées à l’abri du soleil. On sèche bien la peau et il me semble que la grande roue sert à rendre la peau souple.
Après cette visite, il m’emmène derrière la tannerie, où se trouvent des ateliers à ciel ouvert.
Un point de vue sur la médina de Fès
Nous ne sommes désormais plus dans une rue étroite de la médina. Il n’y a plus d’immeubles mais des petites cabanes en bois. Plus haut, il y a un point de vue sur toute la médina et je peux enfin photographier un panorama sur la mosquée Quaraouiyine ! Mais pas que : les murailles de la vieille ville, les tombeaux des Mérinides ou simplement la médina sont observables d’ici.
Mais comme le temps passe, je presse mon accompagnateur de faire demi-tour. De retour devant chez le coiffeur, mon collègue y est toujours. En fait, j’aurais pu rester voir le coucher de soleil sur la médina ou m’approcher des tombeaux des Mérinides. Et pour cause : ce n’est pas moins d’une heure et demie qui sera nécessaire au coiffeur pour terminer la coupe des cheveux de mon collègue. Ils n’étaient pourtant pas très longs !
J’en profite pour discuter un peu avec les vendeurs aux alentours. Apparemment, le business ne se déroule pas trop mal, ça dépend des jours. Mais ils n’arriveront pas à arrêter de touristes ce soir. Quand le coiffeur finit enfin son travail, nous rentrons et ne ressortons que pour prendre un dîner mexicain. Oui, manger un couscous quand on visite une grande ville marocaine, ce serait un peu trop banal. La nuit à Fès, c’est autre chose qu’à Missour : les lieux sont bien plus bruyants. La nuit dure jusqu’à l’appel à la prière, lorsque toutes les mosquées de la ville se livrent à un concours à celle qui se fera le plus remarquer. C’est l’occasion de constater que l’appel à la prière diverge légèrement selon les mosquées. Oui, on étudie toute sorte de phénomènes quand on se réveille à 4h30.
Nous occupons le lendemain avec les courses alimentaires en dehors de la médina et le voyage retour. Rien d’intéressant pour le présent article !
Faire des achats et flâner dans la médina
La médina de Fès est bien sûr un très bon endroit pour faire des achats. En effet, on y trouve à peu près tout ce qui est issu de l’artisanat traditionnel marocain. Mais c’est également le lieu parfait pour flâner à la découverte de scènes insolites et de s’imprégner de l’ambiance atypique qui y règne.
D’ailleurs, ça devait faire l’objet d’un article à part entière. Je prévoyais de venir m’asseoir sur un petit tabouret, au coin d’une rue, pour observer les passants et la vie locale. En se déplaçant à plusieurs endroits dans les différents quartiers de la médina, j’aurais pu ainsi avoir une bonne idée de la vie des gens qui y travaillent. Mais l’arrivée du Covid-19 a mis un terme à ce projet, tout comme celui de revenir pour compléter cet article avec les endroits à découvrir en dehors de la médina. Il reste encore tellement à découvrir avec les deux villes nouvelles !
Cependant, je n’exclus pas d’y retourner et de rédiger un nouvel article afin de compléter celui-ci !
Mes impressions sur un week-end à Fès
Ou plutôt sur un après-midi dans la médina, mais vous m’avez compris. La médina de Fès fait tout simplement partie des incontournables du Maroc ! Alors c’est sûr que si vous en avez déjà fait le tour cinq fois, vous arriverez sûrement à la contourner. Mais sinon, foncez ! D’ailleurs, même au bout de la sixième fois, on peut encore découvrir des choses ou la découvrir autrement. Ce n’est pas pour rien s’il y a tant de touristes ! Bon, il suffit de traverser la Méditerranée, c’est un facteur qui favorise aussi beaucoup ce grand nombre de touristes !
Ce qui est surprenant dans la médina de Fès, c’est cette cohabitation entre modernité et traditions, quand les tanneries sont proches non loin des magasins vendant des vêtement modernes, ou quand l’artisanat traditionnel côtoie un magasin vendent des téléphones portables modernes. Et c’est toute la magie de la médina de Fès : on ne sait jamais ce qui va se présenter dans la prochaine rue ! De plus, les habitations cachent toute vue sur le monde extérieur quand on se trouve dans la plupart des rues de la médina. Cela renforce l’impression d’un monde à part.
Et pour finir sur une note positive, contrairement au mauvais retour sur la ville, y compris par des marocains, je n’ai connu ni agressions, ni vols, ni marchands trop insistants. Je ne vais pas m’en plaindre. Allez, je vous laisse, je crois que je vais retourner me perdre un petit moment dans la médina !