Une journée avec un éleveur de dromadaires

Une journée avec un éleveur de dromadaires

Avec la levée partielle du confinement au Maroc, je profite de mes week-ends pour partir à la rencontre des marocains. Après un passage dans l’oliveraie la semaine dernière, je décide de mettre enfin en œuvre mon projet de passer une journée avec un éleveur dans la montagne. Grâce à l’aide de collègues, j’arrive rapidement à en trouver un qui habite au pieds de la montagne en face de mon lieu de travail. Et cerise sur le gâteau, j’ai un accompagnateur parlant français et marocain en la personne du fils d’un collègue.

 

A la recherche de l’éleveur

 

Comment retrouver l’éleveur ?

Se lever à 7h du matin un dimanche, ça peut paraître bizarre à première vue. Mais quand on sent les dernières fraicheurs matinales, on se dit qu’on a bien fait. A vrai dire, la première difficulté a été de me rappeler où l’on avait rendez-vous. Était-on censé se retrouver devant le centre ou devant chez lui ? La deuxième option peut paraître la mauvaise, mais comme nous avons nos numéros et que je sais à peu près où il habite, pourquoi se fatiguerait-il à faire le chemin ?

Nous nous lançons donc dans une marche matinale vers la montagne qui paraît presque proche. Seulement, il y a quelques petites collines qui rallongent rapidement la distance entre nous et la vie pastorale. Avec un téléphone, on le trouvera forcément. Et puis, je reste persuadé qu’on ne peut pas se rater si au pire il vient nous chercher devant le centre.

paysage désertique marocain
Qui pourrait se cacher ici ?

 

Rencontre avec des gardiens de troupeaux

En chemin, nous croisons plusieurs troupeaux, de moutons tout d’abord, puis de dromadaires. Tous les gardiens sont des jeunes qui doivent avoir une quinzaine d’années. Il y a bien une école en face du centre, mais peut-être ont-ils déjà dépassé l’âge d’y aller ?

En tous cas, leurs T-shirts rouges nous permettent de les voir de loin, même le bleu-marine ! Alors c’est sûr, nous ne pouvons pas rater notre éleveur ! Même s’il ne répond pas au téléphone.

 

Le premier gardien surveille 160 moutons tandis que les deux autres sont en charge d’une vingtaine de dromadaires.

Quand on voit le paysage, on se demande bien ce qu’ils peuvent manger ! A moins que la question soit de savoir comment il peut rester un seul petit buisson dans cette plaine…

paysage désertique au maroc

Si ces animaux sont une source de revenus pour ces éleveurs, le surpâturage est un grand problème pour la flore de la région. Et il suffit de rentrer dans l’un des centres où je travaille, où il n’y a pas un seul mouton, pour se rendre compte d’à quel point le changement est radical !

Afin de remédier à la rareté de la nourriture, les éleveurs sont nomades afin de trouver sans cesse de nouveaux pâturages et de nouveaux points d’eau.

 

La rencontre avec l’éleveur

 

Rejoindre sa maison

Au bout d’une heure de marche, nous arrivons enfin au pied de la montagne, et non loin, je pense, de la tente du nomade.

Non loin de sa tente, peut-être, mais pas du nomade ! Il se trouverait devant le centre actuellement. Comme quoi on peut très bien se camoufler dans le désert ! Nous décidons de retourner au centre. En courant un peu, cela ne prend que 30 minutes. Soit le temps qu’il faudra au nomade pour arriver à ce même endroit. Oui, car il n’y était pas, il était en route lui aussi et arrive devant le centre peu après nous. Bon, tant mieux, ça aurait été gênant qu’il attende une demi-heure.

En fait, c’est le père de l’éleveur que nous étions censés rencontrer. Il vient avec sa femme, l’une de ses petites filles et des ânes pour se ravitailler en eau. Il nous propose de le suivre jusqu’à chez lui, non sans nous avoir demandé la raison de cette rencontre. Difficile d’expliquer que j’écris un blog et que je souhaite rédiger un article sur sa façon de vivre quand il ne sait absolument pas ce que peut bien être un blog !

Donc c’est parti pour un retour vers la montagne, derrière le nomade et son grand chapeau. Il suit une piste, ce qui rend la progression un peu plus simple. Malgré ses chaussures qui ne sont que deux semelles avec des lacets fabriqués à la va-vite et son âge un peu avancé, il marche vite ! Si vite qu’il trouve le temps de se faire un petit arrêt à l’ombre du seul buisson se trouvant sur le chemin.

buisson dans une plaine rocheuse marocaine
Le plus gros buisson que l’on ait croisé. Je ne connais pas son nom. Après tout, j’étais administrateur de bases de données, pas botaniste !

En chemin, je découvre également la puissance de la langue des signes. Malgré (peut-être) le début d’une vocation (qui sait…), cela ne permet tout de même pas de débattre sur le sens de la vie. Ni plus simplement des fonctions de cette construction étrange située sur notre gauche (et dont malheureusement, je n’ai pas pris de photo). Midi approche à petits pas et le soleil tape déjà très fort. Heureusement, contrairement à ma précédente sortie, je suis armé de ma casquette et d’un chèche… Le soleil n’a qu’à bien se tenir !

 

L’arrivée à la maison de l’éleveur

maison d'un éleveur de dromadaires
De loin, la maison est aussi bien camouflée qu’une outarde houbara !

Une heure après notre départ du centre, nous approchons de sa maison. Car le nomade n’est plus si nomade que ça. Dix ans plus tôt, il a posé les premières pierres de ce qui va devenir une maison autour de laquelle quelques tentes subsistent. Une autre de ses petites-filles revient avec un troupeau d’une vingtaine, si ce n’est trentaine de moutons. Ils rejoignent les quelques volailles, chiens et chats déjà présents sur place. Nous nous installons sous la grande tente située à gauche de la maison. Le fils est encore dans la montagne, sûrement en train de garder un autre troupeau.

tente d'un éleveur dans la montagne près de Missour

La grande tente dans laquelle nous nous trouvons est utilisée pour la tonte des moutons. Au centre sont disposés des grands sacs de laine. Chacun est revendu 400 DH au marché de Missour. La maison, dans laquelle se trouvent la cuisine et les chambres assez sommaires, est entourée de tentes pour le travail avec les moutons et une pour abriter le four en terre. A l’intérieur, il nous accueille avec le meilleur thé que j’ai bu au Maroc. Le fils arrive enfin de la montagne. A 14h, il était sûrement temps pour lui de se mettre à couvert ! Et dans tous les sens du terme, puisque le repas est en cours de préparation. Très curieux, les jeunes enfants regardent parfois par la fenêtre. On dirait qu’ils sont plutôt intrigués de nous voir, et très timide car ils se cachent dès que je lance un regard dans leur direction.

salon d'un éleveur de dromadaires marocain
Il aurait fallu que je visite plus de salons marocains pour pouvoir comparer les différents styles de décoration !
la table du salon avec le thé
En plus du sellou, j’avais pris une bouteille de jus d’orange. Si les éleveurs boivent le thé par tradition, il en est de même avec mon jus d’orange le matin !

C’est le moment de leur poser les questions qui me passent par la tête, afin de mieux comprendre leur mode de vie.

 

La vie d’un éleveur de dromadaires dans les montagnes de Missour

Quand nous l’avons croisé, le père allait, comme tous les jours, chercher de l’eau devant le centre. Il rejoint ensuite sa famille, son fils (celui présent en tout cas) et ses 6 enfants. Si les dromadaires descendent dans la plaine, il emmène plutôt ses moutons dans la montagne.

La vente des animaux au souk de Missour lui permet, entre autres, d’acheter de la nourriture. Mais le covid-19 ayant entrainé la fermeture du souk, la situation est difficile pour lui et sa famille. D’habitude, il peut vendre ses dromadaires jusqu’à 1000 DH pour un gros, soit deux fois le prix d’un mouton. A l’approche de l’Aïd Adha, le prix du mouton augmente. Et des dromadaires, il en a 50. Ce qui fait que, même s’ils ne sont pas chers dans la région, ils sont considérés comme des banques sur pattes. Alors prenons garde lorsqu’ils traversent la route !

 

Je leur demande s’ils aiment leur métier. Le grand père aime ce qu’il fait, mais commence à être un peu fatigué de tous ces allers-retours dans la montagne. Son fils quant à lui aime beaucoup son travail. Quant à savoir si les enfants prendront la succession, c’est une évidence pour leur père, qui affirme que ses enfants adorent ce travail, tandis que le grand père émet quelques réserves et n’envisage cette possibilité que s’ils ne travaillent pas bien à l’école. Je me serais plutôt attendu à l’inverse, entre l’avis du fils et celui de son père ! S’ils restent, leur avenir matrimonial est tout trouvé avec les enfants des autres familles. Ils continueront ainsi les traditions familiales.

A ma question de savoir si les éleveurs n’allaient pas finir par aller habiter en ville, on me répond que c’est déjà ce qu’il se passe. En effet, il ne reste plus que dix familles au pied de cette montagne. Les autres sont parties à Missour, ou même à Fès !

Néanmoins, ils pensent que certains vont continuer, l’activité est toujours rentable : le déclin du nombre d’éleveurs signifie selon eux moins de concurrence et donc plus de bénéfices.

Même s’ils ne restent pas toujours dans leurs montagnes, ils ne sortent pas souvent de leur campement/village. S’il se rend à Missour une fois par semaine, il ne va à Fès qu’une fois par an !

 

La fin de la journée et le retour au centre

Après ces échanges et le repas de tajine, je leur propose de goûter ma recette de sellou. En effet, j’avais décidé de ne pas venir les mains vides pour anticiper une éventuelle invitation à prendre le repas. Seulement, j’avais oublié que beaucoup de marocains évitent de consommer des desserts sucrés. L’excès de thé sucré, c’est bon, sauf pour le diabète !

Le fils nous propose de l’accompagner jusque sa tente au sommet de la montagne. Malheureusement, pour nous le chemin est encore long jusqu’à là-bas et le fils de mon collègue a beaucoup marché et est très fatigué. L’arrivée d’un camion à destination de Missour, et pouvant nous déposer au centre, termine cette journée déjà bien remplie et riche en découvertes.

Une vue sur l'ECWP depuis le djebel Missour à plus d'une heure de marche
Depuis la montagne, on aperçoit l’ECWP au loin…

 

Quelques informations sur le dromadaire

 

dromadaire au maroc

Présentation rapide du dromadaire

Le dromadaire est un mammifère de la famille des camélidés. C’est la même famille que les chameaux. D’ailleurs, le fœtus du dromadaire présente deux bosses ! Ce n’est que peu avant la naissance que les deux bosses fusionnent en une seule. Il peut peser entre 400 et 1100kg, ce qui représente un sacré nombre de steaks ! Son espérance de vie de 25 ans en fait un investissement d’assez long terme pour les éleveurs. Cette espérance de vie pourrait atteindre 40 ans. Mais le sable contenu dans l’air des régions arides où le dromadaire vit entraine une forte usure de ses dents. Les dents deviennent si abimées que le dromadaire finit par en perdre l’usage. Malheureusement pour lui, il en aurait toujours besoin pour pouvoir se nourrir !

Le chameau a été domestiqué durant le deuxième millénaire dans la péninsule arabique. Ce n’est cependant qu’à la fin de l’Antiquité qu’on les retrouvera en nombre au Maghreb. Très adapté au climat arides, c’est donc un animal de choix pour transporter des marchandises dans le désert. Mais qu’est-ce qui rend le dromadaire si adapté à cet environnement ?

 

L’adaptation du dromadaire aux environnements arides

Afin de survivre dans le désert, le dromadaire dispose d’un arsenal d’adaptation à ce milieu. En premier lieu, sa bosse ne contient pas d’eau mais des réserves de graisses. En stockant sa graisse dans sa bosse (jusqu’à plus de 100 kg), le dromadaire évite de la stocker à de nombreux endroits sous sa peau. Ainsi, en absence de tissus adipeux, la chaleur dans le corps de l’animal se dissipe plus facilement. De plus, le métabolisme du dromadaire est capable de transformer cette graisse en eau. Le dromadaire est également capable d’augmenter sa température corporelle. Se faisant, il diminue l’écart entre sa température et la température extérieure, ce qui ralentit la perte d’eau par transpiration.

En plus de pouvoir boire de grandes quantités d’eau très rapidement, le dromadaire limite au maximum ses pertes. Il le fait grâce à une forte concentration de son urine (qui ne libère donc que très peu d’eau), mais aussi par exemple grâce à une anatomie unique de ses sinus. Elle lui permet de récupérer une grande part de l’eau relâchée lorsqu’il expire de l’air.

Le dromadaire possède des coussinets sur ses pâtes. En offrant une plus grande surface au contact du sol, il s’enfonce moins dans le sable chaud du désert. De même, la peau de son ventre est plus épaisse, pour mieux servir d’isolant lorsqu’il se met en position baraquée (allongé sur le ventre). Il va même jusqu’à se déplacer face au soleil, afin d’exposer une plus faible surface de son corps aux rayonnement solaire.

En plus de l’eau, le dromadaire doit aussi être capable d’économiser sa nourriture. Dans les zones désertiques, les ressources alimentaires se caractérisent par leur faible quantité, leur dispersion et leur faible apport calorique. Le dromadaire dispose d’un plus grand nombre de pré-estomacs que les autres ruminants comme les vaches. Cela se traduit pas une plus longue digestion des aliments par les micro-organismes présents dans son système digestif.

Le dromadaire est aussi capable de recycler l’urée afin d’en extraire des protéines lorsque celles-ci viennent à manquer. En résumé, le dromadaire tente de maximiser ses apports à partir d’une ressource en faible quantité, voire parfois manquante et limite les pertes de ces mêmes ressources.

 

Un dromadaire pour quoi faire

Le dromadaire a de nombreux usages pour les populations qui les élèvent. Grâce à son adaptation aux milieux désertiques, il remplace le cheval dans les caravanes marchandes par exemple. Les nomades peuvent manger du dromadaire et exploitent son lait ainsi que son cuir. Pendant la période le lactation, la femelle produit entre 12 et 18 litres de lait par jour. Les nomades peuvent en prélever 8 litres. Le lait de dromadaire est trois fois plus riche en vitamine C et en protéines que le lait de vache. La viande de dromadaire n’est pas grasse, car la graisse est contenue dans sa bosse.

Le dromadaire ne se reproduit pas très vite. En effet, la femelle est mise en reproduction à partir de l’âge de quatre ans, jusqu’à 20 ans. Durant ces seize années, elle donne naissance à trois jusqu’à sept petits. La période de gestation est de treize mois. La naissance du petit dromadaire est un moment périlleux. En effet, pour mettre bas, la femelle se met en position baraquée. Elle se baisse tellement que le petit dromadaire peut se faire écraser ou peut étouffer…

Quant au mâle , il se reproduit de six à douze ans et peut se reproduire avec plusieurs femelles durant sa période de rut.

Le mot de la fin

 

C’était enrichissant de rencontrer cette famille d’éleveurs, dont le mode de vie est si différent du nôtre. Bien qu’ils aient maintenant l’électricité fournie par un panneau solaire, leur permettant de s’éclairer et de recharger des téléphones portables très anciens, le décalage est parfois déconcertant. Lorsque nous avons un peu expliqué mon travail au grand-père, nous avons parlé d’un centre de l’entreprise situé au Kazakhstan. Il ne savait pas du tout où c’était, et lui dire que c’est à l’ouest de la Chine n’a pas a aidé. Pas plus que mes compétences désastreuses en dessin. Après tout, il n’a jamais dû voir ça à l’école, et qu’est-ce que cela lui apporte dans sa vie d’éleveur de dromadaires ?

Une question qui me reste à l’esprit est de comprendre comment font les jeunes pour ne pas s’ennuyer… J’aimerais bien pouvoir revenir dans 20 ans et voir ce qu’ils deviennent. Seront-ils partis en ville ? Ou auront-ils pris la relève et arpenteront ils la montagne à leur tour ?

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