Voyage de Télouet à Ouarzazate : les kasbahs font leur cinéma
En quittant Marrakech, je me lance sur la route des mille kasbahs. La destination la plus évidente, à l’est, c’est Ouarzazate. Mais avant, un arrêt s’impose à Aït Ben Haddou et j’ajoute également un arrêt à Télouet. Le point commun entre tous ces lieux ? On y trouve des kasbahs, ces célèbres grandes maisons fortifiées du sud marocain. Ce ne sont que les premières, mais pas les moindres ! Entre la magnificence un peu perdue de la kasbah de Télouet, le village fortifié d’Aït Ben Haddou sous le soleil, et la ville du cinéma, Ouarzazate, ce début de voyage dans la montagne promet de nous émerveiller. Partons sans plus attendre visiter le sud marocain et ses kasbahs.
Visiter Télouet et la kasbah du Glaoui
En prenant un bus depuis Marrakech, il est possible de se rendre à Télouet pour 55 dirhams. Pour les voyageurs en voiture, il faut tourner à gauche à environ 100 km de Marrakech. Je suis malheureusement parti un peu tard, en début d’après-midi. Mais cela était suffisant pour découvrir le principal point d’intérêt de ce petit village d’environ 15 000 habitants : la kasbah de Thami el-Glaoui.
Thami el-Glaoui ? je me souviens de lui ! Il a un riad à Marrakech. C’est maintenant qu’on voit qui il est ?
Exactement ! Vous vous posiez cette question, c’est ça ?
Qui est Thami el-Glaoui
Thami el-Glaoui était un chef de guerre dans l’Atlas, basé dans la kasbah ancestrale de sa famille, à Télouet. Pour avoir ravitaillé le sultan Moulay Hassan quand ce dernier passait près de Télouet dans un moment difficile, la famille obtint des armes, leur permettant de prendre le dessus sur leurs rivaux. La position stratégique de leur fief fit également leur fortune, Télouet étant un point de passage obligé des routes commerciales provenant du Sahara. Au début, Thami el-Glaoui lutte contre la pénétration française au Maroc. Puis, le business aidant, il se range de leur côté et participe aux opérations militaires. En 1912, les français recherchent quelqu’un pour gouverner la région de Marrakech. Pour cela, il faut un homme de poigne. Ils s’emploient aussi à essayer le « diviser pour mieux régner » des britanniques. Ainsi, ils nomment Thami el-Glaoui, berbère, à la tête de cette ville peuplée majoritairement d’arabes.
Sorti de sa campagne, Thami el-Glaoui n’en est pas perturbé pour autant et profite pleinement des avantages de sa nouvelle position. Sa nouvelle compagnie minière ainsi que ses monopoles dans le commerce de plusieurs biens s’ajoutent à ses autres revenus et lui rapportent gros. On parle de lui comme l’un des hommes les plus riches du monde et il reçoit chez lui Edith Piaf, Joséphine Baker, Charlie Chaplin… Satisfait de sa nouvelle position, il ne s’oppose pas à la déposition du sultan Mohammed V en 1953, après que celui-ci ait signé la charte de l’indépendance, bien au contraire. Malheureusement pour lui, il mise alors sur la mauvaise option. Bien qu’il mourût deux mois avant l’indépendance marocaine, les souverains successifs ne se pressèrent pas pour rénover ses nombreuses propriétés, dont certaines sont devenues des monuments touristiques.
La kasbah du Glaoui
Construite aux XVIIIe et XIXe siècle, la kasbah de Télouet était la résidence de Thami el-Glaoui. On peut dire qu’elle était à la hauteur du statut du personnage et c’est ainsi l’une des plus imposantes kasbahs que nous verrons durant ce voyage. Changement notable comparé aux autres : elle est construite en pierres et non pas en pisé ! Cela témoigne de la richesse de ses propriétaires. Quelques habitations et une mosquée sont attenantes à la kasbah. C’est presque un petit village, qui pouvait accueillir 1500 personnes ! Cependant, la kasbah du Glaoui, abandonnée depuis 1956, se délabre et aurait bien besoin d’une restauration d’ampleur.
Il est néanmoins possible de la visiter, et c’est ce que j’ai fait dès mon arrivée ! Le rez-de-chaussée n’a pas beaucoup d’intérêt, si ce n’est la grosse porte d’entrée. De même que le grand couloir, autrefois rempli de nombreux meubles mais qui est aujourd’hui vide. Une porte décorée mène à un ensemble de salles, décorées elles aussi.
On reconnaît tous les éléments décoratifs déjà présents dans les monuments que j’ai visités à Marrakech. C’est-à-dire des zelliges, des plafonds en cèdres, des murs faits de stucs finement ciselés… Vous connaissez la musique. A droite, la chambre des femmes d’el-Glaoui. En face, sa propre chambre avec sa femme favorite et à gauche, dans la salle la mieux éclairée, son bureau. La fenêtre dispose de belles grilles et offre un panorama sur le village. La visite se termine par la terrasse, et son panorama sur les alentours. En sortant, je remarque les cinq garages, se trouvant en face de la kasbah. Ils accueillent désormais un magasin de tapis.
Je fais ensuite un petit tour dans Télouet. Les maisons sont en pierres de couleur rouge et semblent être restées figées au siècle précédent. La nuit tombant, l’activité cesse petit à petit. Je dois dire qu’avec ce froid qui est arrivé en même temps que la nuit, je n’ai pas non plus très envie de poursuivre ma promenade dans la rue !
Se promener dans les alentours de Télouet
Après plusieurs journées passées en ville, dont Marrakech, qui n’est pas ce qu’on peut appeler la ville la plus tranquille du Maroc, Télouet est la première étape montagnarde de ce voyage. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y fait très froid le soir ! Néanmoins, je suis resté une journée de plus pour me promener dans les environs. J’avais entendu parler d’Anmitter, et ça avait l’air sympathique.
Qu’y a-t-il à Anmitter ?
Anmitter est un petit village à 11 km de Télouet. On y trouve deux kasbahs et un mellah (quartier juif).
Cependant, quand on m’a proposé de faire une promenade, je n’ai pas pensé à parler d’Anmitter et ai embarqué sans savoir quelle serait ma destination. Mais ça ajoute un peu de surprise au voyage ! D’ailleurs, je ne sais même pas si j’ai atteint la destination initialement prévue par le guide… C’est aussi l’une des seules fois où j’ai fait appel aux services d’un guide. Pas sûr que la promenade en nécessitait un, mais le véhicule était quelque-chose de fort pratique pour se rendre au départ de la randonnée.
Elle commence sur une route en terre. Elle longe une vallée parcourue par un oued qui apporte de l’eau irriguant toute la vallée. Et permet ainsi de faire pousser plusieurs espèces d’arbres fruitiers : pommiers, figuiers… L’oued est entouré par plusieurs villages avec des maisons en terre, mais il y a aussi de plus en plus de maisons en béton et en pierres. Certaines maisons en pisé sont abandonnées, leurs habitants étant partis vivre en ville. De plus, l’entretien de ces maisons est très chronophage. Les maisons abandonnées se dégradent vite et les habitants restant au village préfèrent désormais utiliser d’autres matériaux de construction. Chaque village est composé d’une mosquée et d’une dizaine de maisons.
Vous l’avez compris, la promenade est l’occasion de découvrir de plus près les villages ruraux. Il n’y a plus de médina ici mais on respire mieux ! La vie a ralenti, de même que le temps qui, ici aussi, semble avoir pris beaucoup de retard.
Je commence par faire connaissance avec Rachid, mon guide durant cette promenade. C’est le dernier né d’une fratrie de trois garçons. Ses deux frères sont partis travailler en ville et lui a dû rester à Télouet pour s’occuper de sa famille. Il n’aime pas sa situation, mais est habitué à vivre ici. Un jour, il espère pouvoir passer son bac en candidat libre. Il gagne sa vie en guidant les touristes et en faisant du e-commerce. Un jour, lui aussi finira par aller dans une grande ville. Car à Télouet, il n’y a pas de travail et il ne veut pas se marier jeune comme les habitants du village. En plus, les filles préfèrent désormais se marier avec des hommes vivant en ville.
Lorsque je croise des villageois, je m’exerce en darija. Salam, la bas ? Bekheir ? Kathdar français chouiya ? Oui, c’est plus pratique s’ils parlent français. Malheureusement, la réponse est toujours « la » (non). Après mon deuxième essai avec un enfant guidant un âne, j’aborde deux jeunes garçons se faisant des passes avec un ballon. Le plus âgé, Adam, se trouve en contrebas tandis que Morad, le plus jeune, se trouve à notre niveau. La future équipe de Télouet ? J’ai oublié de le dire, mais même en ce lieu reculé, il y a un terrain de football. Le seul problème, c’est qu’il n’y a pas de filet. Ce qui peut constituer une motivation supplémentaire pour le gardien d’arrêter le ballon !
D’ailleurs, en plus de m’exercer en darija, il faudrait que j’apprenne le berbère. Et pas n’importe quel dialecte ! En effet, il y a plusieurs dialectes berbères au Maroc : le rifain, le berbère du moyen atlas oriental, le tamazight et le chleuh. Ici, c’est le tamazight qui est parlé par les habitants. Les enfants comprennent le darija, mais ne parlent que tamazight. Ils ne risquent donc pas de parler français. Mais ça, je le savais déjà !
Quelques pas plus tard, une femme âgée prend le soleil à côté de chèvres qui sont en équilibre sur la montagne. Alors que je prends des photos, une deuxième femme arrive et me propose de les emporter avec moi, au vu de l’intérêt que je semble leur porter. Elle, au contraire, en a un peu marre de les surveiller.
Elle a neuf enfants et est très occupée : la confection de la farine, du beurre, et du lait, le gardiennage des chèvres, la cuisine du couscous. Celle-ci se fait avec des plantes cultivées autour de l’oued : le badaze. Le plus jeune fils n’a pas encore trouvé de travail et s’occupe pour l’instant de la peinture des maisons du village. Encore un qui finira par aller en ville ? Jusqu’à maintenant, elle n’est jamais sortie de son village et n’a jamais vu Telouet par exemple. Rachid lui demande comment elle fait la farine et elle accepte de nous montrer le moulin en fonctionnement.
C’est elle qui possède ce moulin et touche un paiement de la part des autres habitants qui souhaitent s’en servir. Le moulin est constitué d’une meule qui écrase les grains en tournant grâce à la force du courant. Le grain tombe dans la meule en passant par une sorte de demi-tuyau, qu’un bâton au contact de la meule fait vibrer afin de faire tomber les grains. La meule rejette la farine dans une cavité. Voici le lien de la vidéo du fonctionnement du moulin, qui est sûrement plus claire que mes explications.
Elle nous invite à boire du thé accompagné de pain traditionnel. Je retrouve Adam et Mourad, qui sont ses petits-fils. Il y a aussi un troisième garçon : Mohammed-Amin. Lorsque je leur demande ce qu’ils étudient à l’école, ce dernier me répond qu’il n’étudie pas le français, pas les mathématiques, même pas l’arabe. Il joue, tout simplement ! J’aimerais bien rencontrer leur instituteur et savoir s’il a le même point de vue…
Le grand-père rentre à la maison. Il travaille dans les champs et les vergers et nous fait part de son espoir de voir son fils trouver un travail pour pouvoir se payer à manger.
Je continue ma route autour de la vallée. A la lisière de culture fruitières, une femme supervise la lessive réalisée par ses deux filles. Certains profitent du week-end ! Elle dispose d’eau chaude dans une marmite (on voit encore les traces du feu) et étend le linge sur les branches d’un buisson.
Alors que nous progressons sous les arbres, nous sommes suivis par une femme portant un imposant fagot de branches avec des feuilles. Ce chemin escarpé augmente le risque de chute. Rachid lui donne un coup de main dans un passage un peu compliqué. Mais pour le deuxième passage, elle décline en disant qu’elle est habituée. Quand elle est plus chargée, elle emmène un âne avec elle pour faire ce travail. Alors qu’elle ouvre la porte de chez elle, je découvre une petite cour intérieure avec deux vaches et des poules. Les branches fraîchement ramassées vont faire des heureuses.
Nous continuons notre route jusqu’au point culminant du village. Une mosquée à ciel ouvert s’y trouve. Lors des grands événements, tout le monde se rassemble dans cette mosquée. Une mosquée avec seulement un sol et un minbar en béton. C’est la grande mosquée économique !
J’entends au loin des chants berbères. C’est une fête de mariage qui a lieu dans le village. Je m’en approche et Rachid demande à un garçon assis à côté de la maison si nous pouvons voir. Nous entrons et regardons les chants et danses. Les mariés sont déjà partis à Télouet. La mère de la mariée fait maintenant une fête avec les voisines. Enfin, ce sont plutôt les voisines qui font la fête car la mère de la mariée pleure. Les chants sont accompagnés par un gros tambour et plusieurs bendirs. Nous buvons un thé, mangeons une date et une pâtisserie et repartons. Il est temps de prendre le chemin du retour pour rentrer à Télouet. Il faut moins d’une demi-heure pour rejoindre la route. C’est là que je réalise que nous n’avons pas beaucoup marché.
Le soir, je cuisine un poulet marocain, une bonne recette à partager sur le blog ! Enfin, je me dis que ce n’est pas très grave de ne pas avoir été à Anmitter, puisque j’ai tout de même fait une visite très intéressante et inattendue.
Autour de Télouet, il y a aussi des mines de sel. Sinon, vous ne trouverez rien d’autre dans les environs. Le lendemain matin, je suis parti à Aït Ben Haddou en grand taxi à sept heures. La place coûte 15-20 dirhams. Je l’ai eu à 20 mais il semblerait que 15 soit possible. Étonnement, le taxi part alors qu’il n’est pas plein. Je pense qu’il part de Télouet tôt afin de pouvoir faire d’autres trajets, plus longs et plus rémunérateurs, le reste de la journée. C’est parti pour une heure de route !
Visiter Aït Ben Haddou
Aït Ben Haddou est un ksar datant possiblement du XIe siècle (les sources diffèrent). A cette époque, les caravanes de dromadaires y font halte lors de leur route à travers le désert. L’endroit est très bien conservé et pour cause : il est inscrit au patrimoine mondial de l’humanité. En arrivant tôt le matin, j’ai tout mon temps pour visiter le ksar. Ma première mission sera donc de trouver un hôtel. De nombreux hôtels disposent d’une terrasse avec une vue sur Aït Ben Haddou. Il ne faut donc pas hésiter à investiguer si vous voulez disposer d’une telle terrasse. La vue depuis l’hôtel que j’ai choisi n’était sûrement pas la meilleure, mais le prix très abordable m’a tout de même convaincu. Finalement, je n’ai même pas été sur la terrasse donc le critère du prix était plus important.
Le ksar se trouve de l’autre côté de l’oued. Il y a l’air d’avoir plusieurs entrées : une par le pont à gauche, une à droite et une porte au centre. Les deux dernières entrées sont accessibles en traversant l’oued, une allée de pierres ayant été aménagée pour les jours où l’oued n’est pas à sec.
L’entrée dans le ksar est gratuite, quoi qu’on vous en dise !
Ce sont les visites de plusieurs kasbahs qui sont payantes. Je suis entré par la porte centrale. Quelqu’un a spontanément commencé à me faire visiter les lieux. Je le précise ici à sa place : la visite guidée est payante et coûte 80 dirhams. Les 20 dirhams que j’ai payés, présentés comme les droits d’entrée dans le ksar, étaient en fait le prix de visite de la kasbah. Je savais que c’était gratuit mais sur le coup je n’ai pas fait attention… Bon, au moins j’ai visité une kasbah ce qui n’est pas une mauvaise chose.
Entrez plutôt en traversant l’oued par le pont ou par l’entrée tout à droite du ksar.
De nombreuses boutiques sont présentes dans les ruelles du ksar. On y trouve principalement des tapis, des châles et des petites peintures, ainsi que des objets d’artisanat local. Les peintures sont faites avec du safran, du thé et du sucre. Le chauffage au feu fait ressortir les couleurs et le sucre rend la couleur plus foncée. Je m’arrête dans un bazar. J’en profite pour parler un peu avec le vendeur. Je m’interroge en effet sur la rentabilité de ce genre de commerce. Il y en a tellement… Hussein, le vendeur, compte sur les touristes n’ayant pas pris le temps de faire leurs achats lors de leur visite de Marrakech. Il compte également sur les touristes visitant le ksar sans tour organisé, car ils restent plus longtemps et donc s’arrêtent plus facilement dans les magasins.
Le ksar d’Aït Ben Haddou n’est pas bien grand et la visite peut se faire en deux heures. Comme il se trouve sur le flanc d’une petite montagne, les rues sont en pente. Au sommet, on trouve le grenier commun où les villageois stockaient leurs récoltes. Ce n’est qu’une petite bâtisse en pierres, entourée des vestiges d’un mur dans la même matière. Cet endroit surélevé offre de beaux panoramas sur la vallée.
En redescendant vers l’oued, je visite d’autres habitations. Saïd vend des tapis et fait des visites de sa maison. Il dispose d’accessoires comme un glaive rappelant les films ayant été tournés ici. Aït Ben Haddou a servi de décor à de nombreux films, et cela a sûrement grandement aidé à sa conservation ! Ça a commencé avec Lawrence d’Arabie en 1962, puis ça a continué. Jésus de Nazareth, Gladiator, Kingdom of Heaven, Prince of Persia : Les Sables du Temps… Et un peu plus récemment, Aït Ben Haddou a servi de décor pour représenter la ville de Yunkaï, dans la saison 3 de Game of Thrones.
Aït Ben Haddou est très bien visible lors de la dernière scène de la saison 3, lorsque les esclaves sortent pour acclamer Daenerys. On reconnaît les kasbahs d’Aït Ben Haddou derrière le mur d’enceinte. En revanche, la porte par laquelle ils sortent a été ajoutée pour le tournage.
Nous faisons un combat à l’épée au ralenti. Ça limite les risques d’accidents ! Contrairement à beaucoup d’autres habitants, Saïd est resté habiter dans le ksar, appréciant l’endroit. Car les inondations de l’oued coupent le ksar de la route et ainsi du reste du pays. Les habitants ont donc pour la grande majorité déménagé dans la partie la plus récente du village. Le gouvernement les encourage cependant à revenir dans le ksar, pour un enjeu de préservation du site.
Enfin, un marchand de tapis m’invite à visiter son magasin. Il dispose d’une terrasse dont il se plaît à rappeler que de nombreuses stars d’Hollywood y sont venues prendre un verre afin de se reposer entre deux tournages. Il cherche à créer une chaîne YouTube pour mettre en valeur sa terrasse. Tout le ksar en aurait bien besoin, à commencer par des panneaux indiquant les endroits apparaissant dans chaque film, car on s’y perd. J’ai ainsi longtemps comparé l’une des portes afin de savoir si oui ou non, elle apparaissait dans Game of Thrones.
Je sors par la sortie vers la petite colline en face du ksar afin de photographier celui-ci depuis le sommet.
Puis je rentre de nouveau pour sortir par la porte menant à la passerelle. Il est possible de manger soit avant la passerelle, à l’ombre, soit après avoir traversé la passerelle. J’ai choisi la deuxième option afin de manger sur une terrasse tout en bénéficiant d’une vue sur le ksar. Je discute un peu avec le gérant des lieux, qui a travaillé en France. Il est maintenant rentré au Maroc car il n’aimait pas le rythme parisien et ne gagnait pas assez pour y vivre bien. Il tient donc maintenant un hôtel-restaurant dans ce beau village, où il est certain que le rythme de vie est bien différent de celui de Paris !
Une fois le repas terminé, il restait à s’occuper pour tout l’après-midi. Il aurait été possible de partir pour Ouarzazate afin de bénéficier de plus de temps dans cette ville. Mais n’étant pas pressé, je suis resté à Aït Ben Haddou pour voir le coucher du soleil sur le ksar. L’après-midi, j’ai retraversé l’oued pour chercher la porte de Yunkaï. Il n’en reste que les bases, sur dix centimètres. Il peut y avoir des rafales de vent emportant du sable quand on est dans le lit de l’oued.
A la sortie du village, sur la route vers Ouarzazate, il y a un promontoire depuis lequel il est possible de voir toute la vallée et le ksar. Je vous conseille d’y aller lors du coucher du soleil. Je n’y suis pas resté, et je faisais un achat en ville lorsque le soleil s’est couché… Les choses se sont passées plus vite que prévu. J’ai donc raté le coucher de soleil. J’y suis donc retourné le lendemain matin, et ça vaut vraiment le coup ! On découvre Aït Ben Haddou avec d’autres couleurs et c’est encore plus beau que le reste de la journée.
Si vous hésitez entre le coucher et le lever du soleil, je vous conseillerai le premier. En effet, lors du lever de soleil, la petite colline, depuis le sommet de laquelle j’ai photographié le ksar, en couvre une partie de son ombre.
Le soir, il n’y avait pas grand-chose d’ouvert pour le dîner et les prix étaient bien plus élevés qu’ailleurs. Avec le manque de touristes, l’hôtel dans lequel je logeais ne cuisinait que sur commande.
Le lendemain matin, j’ai pris un minibus pour Ouarzazate dont le prix oscille entre 15 et 20 dirhams (il serait de 20 dirhams mais j’ai payé 15).
Visiter Ouarzazate
Ouarzazate se situe entre les vallées du Dadès et du Drâa ainsi que de l’Atlas et au confluent des oueds du Dadès et de Ouarzazate. C’est ainsi une position stratégique : un véritable carrefour d’échanges. On y trouve notamment une médina et un souk ainsi qu’une grande kasbah. C’est d’ici que le sultan El-Mansour lance son expédition vers le Soudan. Mais ensuite, le commerce transsaharien se déplace vers la côte. Ouarzazate perd alors de l’importance. En 1920, les français y installent une garnison. Ils sont ensuite remplacés par l’industrie cinématographique, dont on trouve des traces aujourd’hui, bien qu’il y ait moins de films qu’auparavant. Cette activité s’est développée dès l’indépendance, bien que le premier film, les Hommes sans nom, y ait été tourné en 1937.
La kasbah de Taourirt
Ancienne kasbah du Glaoui, il est maintenant possible de la visiter. Tenant son nom du village se trouvant ici au XIIe siècle, elle date quant à elle du XVIIe siècle. Malheureusement, elle était en restauration lors de mon passage. L’interruption du tourisme à cause du Covid-19 a peut-être été une occasion de réaliser ces travaux. De dehors, la kasbah est très imposante. Je suis entré dans un magasin pour voir un peu la kasbah d’en bas et apercevoir la cour intérieure.
En temps normal, la visite coûte 20 dirhams. La kasbah de Taourirt se trouve à vingt minutes de marche du centre-ville.
Le musée du cinéma
Le fait que ce musée soit situé juste en face de la kasbah de Taourirt m’a fait oublier que je voulais me rendre en fait aux studios Atlas. On y trouve de nombreux décors de films ayant été tournés dans la région et il est possible à plusieurs endroits de se prendre en photos dans ces derniers. Ce n’est pas exceptionnel, mais ça ravira les enfants connaissant les films en question. Les décors sont moins imposants que dans les studios Atlas, mais en contrepartie le prix (30 dirhams) est moins élevé. Si vous n’avez pas non plus le temps de vous rendre aux studios Atlas, le musée du cinéma peut être un bon compromis.
J’ai visité le musée en 1h20, ce qui me semble déjà assez long.
En sortant, il était temps de manger. On trouve à Ouarzazate de nombreux petits restaurants bon marché. En sortant du musée du cinéma, on remarque également que certains disposent d’une terrasse avec vue sur la kasbah de Taourirt.
Les studios Atlas
Pour 80 dirhams, il est possible de visiter ces studios aux grands décors et les ateliers. De nombreux films ont eu des scènes tournées ici : Gladiator, Babel ou Lawrence d’Arabie. On trouve notamment dans les studios Atlas les décors du film Astérix et Obélix : mission Cléopâtre.
Les scènes de Daenerys dans le pilote de la saison 1 de Game of Thrones avaient été tournées au Maroc. Mais ce pilote n’a jamais vu le jour. Et pour cause : il était mauvais, et tout a été recommencé. Les scènes telles que le mariage de Daenerys ont alors été tournées à Malte. Mais comme nous l’avons vu précédemment, d’autres scènes de Game of Thrones seront tournées au Maroc !
Il est possible de s’y rendre en bus ou en taxi (c’est à 5km à l’ouest de la ville !). J’ai choisi la deuxième option. Mais finalement, je n’ai pas visité les studios.
Les studios Ecla
En continuant à rouler un kilomètre après les studios Atlas, on peut voir de plus près les décors utilisés dans le film Kingdom of Heaven. Notamment, les décors de la ville de Jérusalem sont toujours présents. C’est parti pour une petite promenade sur le mur d’enceinte de la ville. Saladdin n’a qu’à bien se tenir !
La kasbah de Tifoultoute
Depuis les studios Atlas, une marche de 4 km conduit à la kasbah de Tifoultoute. C’est droit devant puis suivez la route. Un premier village se trouve à cinq minutes de marche. Je croise plusieurs enfants faisant le chemin inverse à vélo. C’est un moyen de transport idéal pour rejoindre leur école se trouvant à Ouarzazate. Il y a même une université à Ouarzazate. Le transport est l’un des freins majeurs à la poursuite des études dans le supérieur pour les habitants des campagnes qui sont éloignés des établissements scolaires et qui n’ont pas les moyens de loger leurs enfants en ville. Ce problème peut se poser dès le lycée. J’ai cependant remarqué de nombreux bus de transport scolaire au cours de mon voyage.
Après ce premier village, je traverse une plantation de palmiers et d’oliviers puis arrive au village où se trouve la kasbah de Tifoultoute. Si vous n’êtes pas sûrs d’être sur le bon chemin, demandez !
La kasbah de Tifoultoute est une kasbah du Glaoui (encore une !). Une bonne partie de l’édifice, plus ancienne, est en ruine. Mais la partie du XVIIe siècle constitue un joli riad dont le rez-de-chaussée contient de nombreux objets. Des tables sont disposées à chaque angle du centre, dans ce qui pouvait constituer une salle de mariages.
La terrasse sur le toit offre une belle vue sur les alentours, notamment sur Ouarzazate et la palmeraie qui se trouve entre la ville et la kasbah.
Compter 20 dirhams pour la visite.
En sortant, je discute avec le gardien des lieux. Ce dernier parle bien français, ce qui est un véritable plus pour nos échanges. Il me propose d’attendre le bus qui part dans trois quarts d’heure pour Ouarzazate, non sans m’avoir parlé des tours qu’il organise dans la région. Lorsque nous parlons du musée du cinéma et des studios Atlas, il me dit qu’il ne trouve pas qu’il soit nécessaire de visiter ce dernier, un peu cher, si on a fait le musée du cinéma. Je discute un peu avec un français. Celui-ci habite désormais au Maroc et profite notamment du bas prix des loyers. Il loue en effet une villa pour 1200 dirhams par mois !
Au retour, j’ai donc pris le bus. 4 dirhams ou encore 4 km à pied, le choix était vite fait !
L’ancienne médina de Ouarzazate
L’ancienne médina de Ouarzazate se trouve en contrebas de la kasbah du Taourirt. Il me restait un peu de temps avant la tombée de la nuit, je me suis donc aventuré dans ses petites ruelles, entourées de bâtiments en pisé.
Attention à ne pas se perdre car il y a beaucoup d’impasses et peu de panneaux. Je suis interpelé par un marchand qui me fait visiter sa boutique, une véritable caverne d’Alibaba où je me garderais bien de chercher un objet précis ! Je ne sais pas comment il fait pour gérer ses stocks…
Il y avait aussi une habitation à vendre, je me demande bien quels sont les prix ici. Sûrement moins élevés qu’à Paris !
La médina, qui comptait jusqu’en 1956 une communauté juive, témoigne de la migration de la ville de Ouarzazate vers l’ouest, où les bâtiments sont plus récents.
La place Al-Mouahidine
La place Al-Mouahidine est l’équivalent à Ouarzazate de la place Jemaa el-Fna. Très animée, elle est envahie le soir par les habitants sortant dîner ou acheter des produits au marché, ainsi que par des enfants conduisant des petites voitures. Attention donc aux chauffards en traversant la place ! Sur le parvis d’un bâtiment, un français chantait en anglais avant de se lancer dans un discours annonçant le retour de Trump au pouvoir l’année prochaine. Et ce dernier aime les marocains, ce sont ses amis. Je dois dire que je ne suis pas convaincu… Mais ça a le mérite d’offrir un peu d’animation inattendue. J’aimerais bien savoir ce qu’en pensait la foule… J’y ai mangé de très bonnes pizzas. Le matin, la place était bien plus calme. Seuls deux policiers montaient la garde dans leur camionnette.
D’autres musées ouvriront dans les prochaines années. En tout cas, ce serait en préparation…
L’oasis de Fint
Il vous faudra parcourir une quinzaine de kilomètres pour rejoindre cette oasis au sud de Ouarzazate. L’oued s’y trouvant nourrit une palmeraie et des cultures d’arbres fruitiers. Le tout est cultivé par les habitants des villages aux maisons en pisé se trouvant près de l’oued.
Pour s’y rendre, il n’y a guère d’autre solution que le grand taxi, qui coûte 200 dirhams. Mieux vaut ne pas partir seul, ou l’excursion devient un peu chère. D’autant plus que nous irons bientôt dans une autre palmeraie.
Ancien carrefour commercial grâce à sa position stratégique, Ouarzazate est également bien située pour être le point de départ des excursions dans le sud, vers le Dadès, les gorges du Todra et Merzouga, ou encore la vallée du Drâa, Zagora et M’Hamid.
Visiter Ouarzazate en une journée
En une journée, j’ai donc pu visiter le musée du cinéma, la kasbah de Tifoultoute et l’ancienne médina, mitoyenne de la kasbah Taourirt. Si cette dernière avait été ouverte, je l’aurais visitée, sûrement à la place de la kasbah de Tifoultoute. J’aurais alors économisé du temps de déplacement, puisque je me suis rendu à la kasbah de Tifoultoute à pied, et j’ai dû attendre le bus pour retourner à Ouarzazate. Je vous conseille de prévoir deux sites parmi ceux-là, et d’en ajouter un troisième, au cas où il vous reste du temps après la visite des deux premiers.
Se déplacer à Ouarzazate
Il est tout à fait possible de se déplacer à pied. Néanmoins, si vous préférez prendre un taxi pour accélérer un peu les choses, voici les deux prix que j’ai payés.
8 dirhams pour un trajet en taxi de la kasbah Taourirt aux studios Atlas.
4 dirhams pour une place dans le bus n°4 de la kasbah de Tifoultoute à la kasbah de Taourirt.
A ne pas manquer
Sans grand suspense, Aït Ben Haddou. C’est LE lieu où aller pour découvrir les ksours au Maroc, sûrement grâce à son bon état de préservation et sa localisation.
A mon sens, rien d’incontournable à Télouet et Ouarzazate. Certes, la kasbah de Télouet est intéressante à visiter et je ne nie pas les quelques points d’intérêt situés à Ouarzazate. Mais ils ne sont pas indispensables si vous ne disposez que de peu de temps pour vos vacances.
Le mot de la fin
La première chose que je dirais, c’est que ça faisait du bien de sortir des villes ! On commence à découvrir le Maroc des campagnes, qui paraît bien différent de celui de Marrakech. Bien qu’internet soit toujours présent grâce à nos téléphones, il y a enfin cette sensation d’être un peu coupé du monde. Et on croise encore des villageois n’étant jamais sortis de leur petit village, ce qui paraît incroyable ! Même si je me doute que c’est le cas dans bien d’autres endroits.
L’impression de dépaysement est la plus présente à Télouet, le plus petit village présenté dans cet article et le moins touristique. Ouarzazate, quant à elle, fait figure de ville qui se développe et peut, pour l’organisation de tours dans le désert, suppléer Marrakech. Néanmoins, j’ai été un peu déçu. Il n’y a finalement pas grand-chose à y voir et l’intérêt principal de la ville est de constituer une bonne base pour partir à la découverte de la région : Aït Ben Haddou, ou encore la palmeraie de Skoura. Mais ça, c’est une autre histoire qui arrivera le mois prochain !
4 réflexions sur « Voyage de Télouet à Ouarzazate : les kasbahs font leur cinéma »
Merci pour la balade. Je n’étais pas allé à Aït Ben Haddou, mais à Aït Arbi et en garde moi aussi un souvenir incroyable de ces kasbah. Merci aussi de rappeler à quel point la vie peut-être dure dans ces villages loin des grandes villes. C’est ce qu’on recherche en temps que touriste bien sûr, mais on oublie facilement qu’y vivre au quotidien est assez différent que notre expérience personnelle.
Bonjour Laurent,
Je suis également passé à Aït Arbi, ces kasbahs un peu perdues ont elles aussi tout leur charme.
« on oublie facilement qu’y vivre au quotidien est assez différent que notre expérience personnelle ». Exactement ! Ca me rappelle quand j’étais parti à Madagascar. L’un de mes professeurs (c’était un voyage pour un stage) m’avait demandé en plaisantant si j’avais une place pour lui dans la valise. Quand j’avais raconté ça à une connaissance là-bas, il ne comprenait pas ce qui rendaient tous ces touristes si enthousiastes. Lui aurait sûrement préféré faire le chemin inverse, et on peut le comprendre quand on connait la situation du pays, malheureusement. Pas facile d’expliquer que la traversée d’une rivière en radeau est une expérience pittoresque pour un touriste, ça fait des choses à raconter et pour le coup, c’est dépaysant, quand pour les villageois, l’absence de pont peut les couper du monde pendant un certain temps, avec tous les désagréments que cela entraine.
Super article ! Ca donne envie de partir en vacances 🙂
Plus que quelques semaines à attendre ! Tu me raconteras en rentrant j’espère