Le Sud-Ouest : Albi et les villages perchés
Le voyage débute sur une route dégagée avec des champs à perte de vue et très peu de villages jusqu’au village de Gaillac, dans le Tarn. C’est ainsi parti pour trois jours, loin de Bordeaux, de l’Albigeois à la Dordogne.
Le début du voyage avec le Tarn
La cathédrale d’Albi
L’extérieur et un peu d’histoire
Ce week-end commence par la visite de la cathédrale d’Albi, que je souhaitais voir depuis quelques temps. En effet, comme vous allez le voir, cette cathédrale est assez inhabituelle. Construite avec des briques rouges, qui semblent constituer le style architectural de la région, elle est d’une apparence assez austère vue de l’extérieur. Ce style épuré se justifierait pour répondre aux accusations de luxure de l’église, mais l’apparence militaire est telle un message adressé aux ennemis de l’Eglise.
Vous avez sûrement déjà entendu parler des Cathares, nommés aussi les Albigeois (d’ailleurs, si vous parliez de cathares à des gens de l’époque, ils ne vous comprendraient pas, puisque ce mot n’est tout simplement jamais employé dans les documents d’époque). Pour faire simple, ils proposaient une lecture différente des évangiles et rejetaient les sacrements de l’Eglise catholique. Les deux croisades déclarées contre eux furent surtout l’occasion de rattacher cette région du sud-ouest à la France.
Au vu de cette église, les Albigeois n’avaient plus qu’à bien se tenir ! Nous parlions de l’apparence de l’église. Ajoutons que la construction en briques est plus rapide et moins chère à réaliser. Elle débute en 1282 et ne finira qu’en 1480. Entre temps, beaucoup de choses se sont passées et les Cathares sont désormais une vieille histoire ! Les travaux continueront néanmoins encore longtemps, tels que la construction d’un porche à l’entrée au XVIe siècle ou l’ajout de tourelles à clochetons au XIXe siècle, retirées depuis. En entrant par le porche, symbolisant le passage du profane au sacré, on découvre un tout autre visage de la cathédrale.
Découvrir l’intérieur de la cathédrale d’Albi
En effet, la cathédrale d’Albi est la seule cathédrale d’Europe dont les murs sont encore entièrement peints. Ces peintures datant de la Renaissance sont donc partout ! Imaginez le travail pour réaliser les peintures du toit afin qu’elles soient lisibles d’en bas. Elles n’ont jamais été restaurées depuis ! Il y a aussi des trompe-l’œil dans certaines chapelles.
Pour 6€, vous pouvez visiter le chœur ainsi que le Trésor de la cathédrale. Le chœur est moins intéressant que celui de la cathédrale d’Auch, mais vaut quand même le détour. C’est une petite église dans la cathédrale où prient les membres du clergé, isolés du reste des fidèles.
Le Trésor de la cathédrale contient des objets sacrés datant du XIIIe au XIXe siècle comme une châsse de Sainte-Ursule, une crosse épiscopale limousine… On y trouve également un polyptyque italien et quelques panneaux explicatifs à propos d’une mappemonde datant du VIIIe siècle. Si son auteur et sa provenance sont inconnus, le style d’écriture des annotations présentes nous indique qu’elle a été utilisée pendant au moins 400 ans. Je ne m’attendais pas à découvrir cela ici !
La visite peut se faire avec un audioguide pour ceux que l’histoire religieuse intéresse, car c’est assez précis. Les informations sont néanmoins très tournées vers la religion (c’est peut-être normal dans une cathédrale me direz-vous…)
Le village perché de Cordes-sur-Ciel
Après la fin des combats de la croisade des Albigeois, il faut reloger les populations ayant perdu leur domicile et leurs biens à cause des croisés. Car ces derniers, non contents de faire la guerre, en profitent pour donner libre cours à la destruction et au pillage. Après tout, ces deux choses riment avec guerre, non ? Dans un objectif de repeuplement mais aussi pour favoriser le développement économique, on construit alors des bastides. Les bastides sont donc des villages en pierre à l’organisation géométrique et où les habitants bénéficient d’avantages en termes d’autonomie et de taxes moins élevées. Le contrôle par les pouvoirs laïcs comme religieux y est moins important, les habitants peuvent devenir propriétaires et établir leurs propres taxes pour développer la bastide.
J’espère que vous avez bien suivi, car la notion de bastide est fondamentale pour la suite ! Revenons-en à Cordes-sur-Ciel. On accède au centre historique par une rue à très forte pente (je n’avais pas mon hélicoptère privé à disposition…). Il y a de nombreux magasins si vous voulez en profiter pour faire les soldes. Vous pourrez trouver divers objets, des tableaux, des livres… Une fois arrivé en haut, on a une belle vue sur les alentours. Ne ratez pas non plus l’église Saint-Michel, la maison du Grand-Veneur et sa façade sculptée, et le Jardin du Paradis. Oui, rien que ça ! Faîtes attention aux serpents dans les pommiers…
Puycelsi
Au milieu d’une forêt se dresse sur un piton rocheux Puycelsi, un petit village entouré de remparts. Fondé au Xe siècle, ce petit village n’a jamais été pris par la force. On comprend aisément pourquoi en y allant à pieds (cela devient cependant une habitude…). La vie des habitants, rythmée par quelques sièges infructueux au cours du Moyen-Age, est occupée par le travail du bois. En effet, on peut trouver à Puycelsi l’une des plus grandes forêts de chênes d’Europe : 3 600 hectares ! Cela n’empêchera pas un fort exode rural qui videra presque entièrement le village de ses habitants dans la première moitié du XXe siècle.
Vous pourrez visiter Puycelsi là encore par un petit circuit, ou en faisant le tour des remparts. Vous aurez une belle vue sur les alentours. J’ai cependant évité cette option afin de ne pas devenir tout rouge ! L’église du village est elle aussi peinte, ne la ratez pas. Enfin, si les habitants sont pour la plupart un temps partis de Puycelsi, d’autres y sont arrivés pour établir leur résidence secondaire. Ils ont ainsi remis en état bon nombre de maisons.
Je dois dire que j’ai préféré cette visite à celle de Cordes.
Castelnaud de Montmirail
La place des arcades de cette ville franche, l’un des lieux réputés du village, était lorsque j’y suis passé le point de rendez-vous de motards et conducteurs de vieilles voitures. Il y a ici aussi un parcours touristique que je n’ai pas suivi par manque de temps. Mais je suppose que c’est du même acabit que les autres villages, puisque Castelnaud de Montmirail est lui aussi classé parmi les plus beaux villages de France !
Des visites dans le Tarn-et-Garonne
Saint-Antonin
Un parcours permet de découvrir le centre historique du village pendant environ une heure et demie. Vous découvrirez dans les ruelles de nombreuses traces des activités des villageois qui pratiquaient l’artisanat au cours du Moyen-Age. On retrouve plusieurs petits canaux qui servaient tant pour les moulins que pour les tanneries. Le pont a été construit à cette époque. Le village, grâce à son emplacement, profitait grandement du prélèvement de taxes sur le commerce qui y transitait. Cependant, le XVIe siècle et les guerres de religion mirent fin à cette période de prospérité et des bâtiments furent détruits par les protestants. Comme la ville était majoritairement dans le camp de ceux-ci, elle n’a échappé au massacre que par le paiement d’un lourd tribut.
Ne ratez pas la maison romane, près de la place de la halle, le plus ancien bâtiment civil de France, construit en 1125 (c’est maintenant le musée municipal). En déambulant dans les ruelles parfois étroites de la ville, vous pourrez imaginer la vie à l’époque et essayer de reconnaître les activités pratiquées à tel ou tel emplacement. Vous pourrez même tomber sur la Maison de l’Amour !
Bruniquel
Si je me suis rendu dans ce village, encore une fois en hauteur, c’est surtout pour visiter le château. Ou plutôt les châteaux ! En effet, ils sont au nombre de deux.
Le Château Vieux et le Château jeune
On ne choisit pas sa famille, et pour certains, cela peut être problématique. Au XVe siècle, ce n’est pas la joie entre le Vicomte du château et son fils. Il déshérite alors ce dernier d’une partie des terres du château qu’il vend à son cousin. Ce dernier fait alors construire son propre château. Le fils et le cousin ne doivent pas trop s’entendre (enfin, j’imagine que le fils est un peu déçu de perdre une partie de son domaine…). Il faudrait alors m’expliquer le choix du cousin que de construire son château, le Château Jeune, juste à côté de celui du fils, le Château Vieux ! Mais vraiment à côté, les deux se visitent avec le même billet. Ça devait être sympathique, la fête des voisins.
Et les choses ne se sont pas améliorées lors des guerres de religion, quand le Château Vieux se fait en partie détruire par les villageois qui, comme le propriétaire du Château Jeune, sont protestants. Ce n’est qu’en 1780 que le Vicomte de Bruniquel rachète le Château Jeune !
Et donc c’est grâce à cela que vous pouvez visiter deux châteaux pour le prix d’un. Malin !
Le village de Bruniquel
La ville s’enrichit au Moyen-Age par la culture du lin, du chanvre et du safran. Elle est en plus située sur l’une des routes de pèlerinage menant à Saint-Jacques de Compostelle. Il y a ainsi de nombreuses ruelles qui valent le détour. Cependant, je ne les ai pas vues. On ne peut pas faire le tour touristique tout le temps ! Mais le village est classé parmi les plus beaux villages de France, ce qui devrait vous éviter d’être déçus du passage et m’épargner une longue argumentation des raisons qui peuvent vous convaincre de le visiter.
Enfin, si vous visitez le château, vous pourrez entendre parler de la grotte de Bruniquel. Eh oui, ce n’est pas forcément là que vous seriez allés la chercher. Et pourtant, il y a une salle et un petit film à son propos. Il n’est pas possible de la visiter. C’est un site unique, puisque cette grotte avec des stalagmites a été occupée par les hommes de Néandertal il y a plus de 175 000 ans, qui y ont réalisé une structure de 400 morceaux de stalagmites sur lesquels de nouvelles stalagmites sont apparues.
La visite du château peut se faire avec un audioguide, mais j’ai trouvé qu’il ne m’a pas apporté beaucoup plus d’informations que le papier explicatif distribué à l’entrée…
Abbaye Saint-Pierre de Moissac
Tarif : 6.50€
Horaires : de 9h à 19h en juillet et août, 9h à 18h en septembre, de 14h à 17h le week-end et les autres moi, vous pouvez la visiter de 10h à 12h également.
Il est possible de visiter dans cette abbaye le cloître, l’espace de circulation couvert de quatre galeries qui relient les différents bâtiments d’un couvent : l’église, la salle capitulaire, le réfectoire, le dortoir, la chapelle… Ça fait plus de quatre ! Mais le cloître a bien quatre côtés. L’abbaye a été coupée au XIXe siècle en deux par la voie ferrée. Dans les salles qui jouxtent le cloître se trouvent une exposition sur la fin de l’art roman et une autre sur les constructions en argile. Sur les 76 chapiteaux du cloître, de nombreuses sculptures sont présentes. Ne vous inquiétez pas, les légendes sont fournies à l’entrée ! A côté de l’abbaye, l’église date du XIe siècle et la tour-porche du XIIe. L’intérieur est peint, cette fois avec des couleurs différentes des précédentes.
Auvillar
Le samedi soir, j’ai fait un court passage à Auvillar après le dîner. Cet oppidum d’origine gallo-romaine, aux portes de l’Aquitaine, compte aussi parmi les plus beaux villages de France. Cela est sûrement dû aux nombreuses constructions en pierres et briques telles que la tour de l’Horloge, la halle et les maisons avoisinantes du XVIIe et XVIIIe siècles. En me promenant dans le village, j’ai emprunté la rue obscure. Certaines choses ne doivent pas être simples lorsque l’on habite dans cette rue. Imaginez, si je souhaite inviter ma nouvelle copine et que je lui dis « viens chez moi, j’habite dans la rue obscure »…
Le retour en Nouvelle-Aquitaine
Le château de Bonaguil
Le lendemain, je suis parti visiter le château de Bonaguil dans le Lot-et-Garonne. On se rapproche petit-à-petit du retour à Bordeaux… Le paysage est maintenant constitué de beaucoup plus de forêts, au milieu desquelles il y a toujours des petits villages, bien loin des rues animées de la métropole bordelaise !
Tarifs : adultes à partir de 13 ans : 9.50€, enfants de 6 à 12 ans : 5€, tarif réduit : 7.50€ pour les adultes et 4.50€ pour les enfants.
Ce château, très spacieux, a été construit aux XIVe et XVe siècles, alors que l’usage des canons se répandait. Il était alors impératif de les prendre en compte lors de l’édification du château de Bonaguil. C’est d’ailleurs dommage que ce point ne soit pas plus évoqué lors de la visite, lors de laquelle un audioguide aurait pu être utile (contrairement au château précédent). La visite reste très intéressante pour ceux qui veulent étudier l’art défensif et aller voir ce qu’il en est sur le terrain, ou pour ceux qui veulent tout simplement visiter un château fort !
Lors de mon passage, il y avait les médiévales de Bonaguil et donc plein d’ateliers pour expliquer la vie au Moyen-Age ainsi que de nombreuses animations. Dans l’une des salles, j’ai pu essayer un casque de chevalier. Nul doute que ça me donne du style, ce n’est cependant pas très confortable… Dans cette même salle, il y avait des panneaux à propos du thème du festival : les inventions au Moyen-Age. C’est vraiment dommage que ce ne soient pas des panneaux permanents car on s’imagine souvent à tort que le Moyen-Age a été une période de stagnation, voire de régression. Une sorte de parenthèse fâcheuse entre l’Antiquité et la Renaissance, mais il n’en est rien !
Monpazier
Cette bastide est située en Dordogne. Aménagée de façon très géométrique, elle était, comme les autres bastides, le lieu de vie des paysans et artisans qui bénéficient d’avantages fiscaux et d’une charte leur donnant l’accès à la propriété privée. Comme à Castelnaud de Montmirail, le lieu est animé lors de mon passage. Une brocante occupe la place et la rue principale. Comme d’habitude, il y a un petit itinéraire touristique pour découvrir le village, classé également parmi les plus beaux villages de France. Et si vous voulez une autre raison de visiter ce village, il y a une « Porte du paradis ». Eh oui, arrêtez tout, nous l’avons enfin trouvée !!!
Villeréal
Pour ceux qui sont encore là et qui ne sont pas attirés par le paradis, ne vous inquiétez pas. Il reste quelques lignes et après vous pourrez y aller. N’oubliez pas de revenir lors de la sortie du prochain article ! Alors Villeréal, qu’est-ce que c’est ? Je vous le donne en mille : c’est une bastide ! On commence à en avoir l’habitude… Dans cette bastide, ne ratez pas la halle du XIVe siècle en bois, surélevée d’une salle ainsi que l’église Notre-Dame de style gothique méridional. Si l’aspect du clocher est inhabituel, l’une des tours étant même dotée de meurtrières, l’intérieur n’est pas peint, contrairement aux précédentes, exceptée celle de Monpazier. Elle est de style gothique méridional, tout comme la cathédrale Sainte-Cécile à Albi. Savez-vous ce qu’est le style gothique méridional ?
Petit bonus pour ceux qui ne sont pas partis au paradis ! C’est un style gothique épuré et plus austère (c’est bien visible sur la cathédrale d’Albi). Les arcs boutants sont remplacés par des contreforts et les ouvertures sont plus rares et étroites. La nef est souvent unique et le clocher peut être octogonal ou être comme un mur surélevé.
Le château de Monbazillac
Il était sur la route, alors un petit arrêt s’imposait. Je n’ai pas acheté de bouteille par contre !
Conclusion
3 jours, c’est court pour visiter entièrement l’ensemble des sites présentés dans cet article. Et nous parlons ici uniquement d’un parcours fait de visites historiques autour de villages classés parmi les plus beaux villages de France. Il y aurait tellement d’autres choses à faire, mais ce thème permet une bonne découverte de cette région française marquée par les croisades contre les Cathares, la guerre de Cent-Ans et les guerres de religion. J’espère vous avoir donné une présentation suffisante pour que vous partiez approfondir vos connaissances et découvrir les lieux par vous-même.
Pour finir, quel village vous donne le plus envie ?
Aussi, pourquoi ne pas inclure une visite d’Auch dans votre séjour ?
One thought on “Le Sud-Ouest : Albi et les villages perchés”
Je vote pour Bruniquel, même si les autres villages sont très beaux également en ce qui concerne l’article « Albi et les villages perchés »