Cérémonie funéraire aux villages Torajas
Comment aller aux villages Torajas ? Vous pouvez y aller en voiture privée mais aussi en bus, de jour comme de nuit. J’ai opté pour un bus de nuit que j’ai trouvé non loin de là où je logeais, Jalan Perintis kemerdekaan III.
Prix ? 135.000 IDR pour le bus, 900 000 IDR pour les funérailles (potentiellement moins, n’hésitez pas à négocier). Plus de détails dans les lignes qui vont suivre.
Petite présentation du pays Toraja
Les Torajas sont une ethnie d’environ 650 000 personnes qui vivent dans les régions montagneuses au centre de Sulawesi. Plus précisément au nord de la province de Sulawesi Sud mais assez proche du centre. C’était une étape incontournable de mon voyage, et la principale raison qui m’a amené à Sulawesi, en plus des personnes que j’y connais. Ces villages sont très connus grâce à l’architecture particulière de leurs maisons, mais surtout grâce au culte un peu spécial qu’ils entretiennent vis-à-vis de la mort et des cérémonies qui en découlent. Visiter les pays Torajas, c’est découvrir une culture radicalement différente de la nôtre. Parfois très difficile à comprendre si on l’étudie sous un prisme occidental, mais fascinant de par cet éloignement de nos habitudes de vie.
On parle des villages Torajas mais en réalité, les Torajas n’ont pas l’impression de faire partie d’un même peuple. Ce sont les européens qui ont fait cette distinction. Il faut dire qu’ils partagent un territoire commun assez limité, ont une croyance commune qui est endémique de cette partie de l’île. Les Torajas sont en majorité chrétiens, même s’il leur reste encore de nombreuses croyances traditionnelles. En plus de ces spécificités, ils ont longtemps résisté aux hollandais qui ne prendront le contrôle de la région qu’en 1905. Cette résistance a sûrement renforcé la dénomination des habitants du pays Toraja comme étant un même peuple. Je ne suis pas anthropologue, mais ce que je peux cependant vous dire, c’est que vous verrez des choses que vous ne verrez nulle part ailleurs. C’est bien pour ça que de plus en plus de touristes visitent la région.
Annonce du plan
Ça fait un peu scolaire ce titre !
Cet article va se diviser en plusieurs parties. Tout d’abord, je vais parler de la cérémonie funéraire. Ensuite, je présenterai quelques sites que j’ai fait pour découvrir les autres éléments de la culture Toraja. Enfin, un petit rappel avant le mot de la fin s’intéressera aux hôtels et aux coûts. Un deuxième article viendra compléter celui-ci et portera sur le trek de deux jours dans les villages. Il y aura aussi la visite d’autres sites touristiques.
Un enterrement en pays Toraja
L’enterrement est un moment très important dans la vie des Torajas. Il se prépare avec grand soin durant toute la vie. En effet, il faut du temps pour rassembler l’argent nécessaire pour acheter les buffles à sacrifier. Le prix peut facilement atteindre 6000€, bien plus pour un albinos ! Pourquoi acheter plein de buffles ?
Eh bien, vous voyez, pour les chrétiens, les musulmans, votre accès au paradis sera fonction de vos actions durant votre vie. Au pays Toraja, cela dépend de si vous êtes bien accompagné ou non. En effet, le mort doit affronter des épreuves avant d’accéder au paradis. Pour cela, il lui faut bien l’aide de buffles, non ? Ce sont ces mêmes buffles qui l’aideront à ouvrir les portes du paradis. De plus, ils lui assureront de conserver son prestige. On comprend ainsi bien la motivation de tous ces gens à se munir des plus beaux spécimens de la région en grand nombre !
C’est un peu glauque d’aller voir un enterrement comme on irait voir une fête quelconque en France. Mais ici, c’est tout à fait normal, et ce sont des centaines d’invités qui se succéderont pour rendre hommage au défunt. Cela durant plusieurs jours, puisque les cérémonies peuvent durer de trois jours à une semaine. Tout dépend du budget de la famille et de son rang.
Présentation des lieux
Je préfère prévenir, il vaut mieux mettre certaines de ses opinions de côté pendant la cérémonie. Sensibilisés au bien être animal, végans et défenseurs des animaux, les images suivantes peuvent choquer (je vous aurais prévenu).
Comme pour le reste, j’ai un guide. J’ai réussi à en trouver un qui parle français ! Il l’a appris en s’exerçant avec les touristes. Nous entrons dans le village de la cérémonie, construit spécialement pour l’événement. De nombreuses maisons, destinées à abriter les nombreuses familles qui rendront hommage au défunt et à sa famille pendant les trois jours de cérémonie, sont disposées tout autour du cercueil. La famille, aidée par d’autres familles du villages, construisent ce petit village spécialement pour l’occasion. L’entraide est très présente chez les Torajas. Les familles s’entraident à tour de rôle. En face du chemin par lequel nous sommes entrés, il y a la maison principale où se trouve la famille de la défunte. A gauche, l’homme qui parle au micro et fera le discours se trouve dans une maison dans laquelle sera placé le cercueil pendant la cérémonie.
En face, il y a trois greniers à riz, un pour les nobles, un pour les membres du gouvernement et un pour les membres du clergé.
Un début de cérémonie haut en couleurs
C’est l’enterrement d’une vieille femme qui est morte il y a un an. L’attente peut être encore plus longue puisqu’il faut du temps à la famille pour réunir la somme d’argent nécessaire à l’achat des buffles, à l’organisation de la cérémonie, etc. Pendant ce temps, la personne est considérée comme « malade », donc on continue à lui parler et à lui apporter à manger. Comme il/elle ne mange pas, ce sont les animaux qui récupèrent sa part de riz. D’ailleurs, maintenant que j’y pense, je me demande comment cet état de « malade » est compatible avec les procédés de momification mis en place… Les gens sont habillés en noir et les jeunes qui accueillent les invités sont vêtues de tenues traditionnelles oranges.
Nous sommes accueillis dans l’une des maisons pour les invités où se trouvent déjà d’autres touristes. On nous offre des biscuits et je réalise que je n’ai pas d’offrande. Je demande au guide et apparemment, ce n’était pas compris dans les 900 000 IDR (le tarif le laissait penser). Car oui, vous êtes censé amener une offrande pour la famille du mort. Une cartouche de cigarettes, un paquet de riz ou autre si vous voulez être original. La cérémonie commence par une procession, les membres de la famille portent le cercueil et lui font faire un petit tour du village. Les buffles partent dans l’autre sens puis chacun fait marche arrière. Les hommes secouent le cercueil puis découpent le toit tandis que l’on éloigne les buffles pour n’en garder qu’un.
Ils évacuent le toit en évitant difficilement le câble électrique qui constitue le principal obstacle. Le cercueil est placé au deuxième étage de la maison où, du premier étage, un homme prend la parole et raconte la vie de la défunte. Le passage à propos de rendre à son propriétaire un objet trouvé provoque l’approbation générale.
Le premier sacrifice de la cérémonie
La fin de ce discours signifie pour le buffle la fin de sa vie. Le sacrifice commence et il est vraiment barbare. A Madagascar, ils font l’effort de couper entièrement la tête du zébu. A coups de machette, ce n’est pas instantané, mais la tête finit par se détacher du corps. Ici, ils font seulement une entaille et l’animal se vide de son sang avant de mourir, cela pendant cinq minutes.
Après quoi ils commencent à le découper. La peau sera vendue et la viande servira à nourrir les invités ou sera vendue en magasin. L’argent récolté pourra servir à la réalisation d’un projet pour le village comme la construction d’une route, d’une école, etc.
Les deux cornes seront offertes à une famille et c’est un choix important puisque c’est un honneur pour elles de recevoir un tel présent. On les retrouve d’ailleurs sur les colonnes devant l’entrée des maisons Torajas, telles un trophée. Il faut donc bien choisir à qui offrir ces deux cornes pour essayer de ne froisser personne. Pendant ce temps, des familles apportent des cochons en cadeau. Leur nom est écrit sur un papier attaché au cochon puisque la famille de la défunte devra offrir les mêmes quand elle sera à son tour conviée à une cérémonie de funérailles de ces familles. Ils décident ensuite de l’usage qui sera fait de ces cochons. Ceux là seront pour les enfants qui décideront de leur sort.
Des familles du village ou des villages alentours viennent ensuite voir la famille de la défunte pour offrir leurs condoléances. Comme ça devient toujours la même chose, je n’ai pas la patience d’attendre pour voir à qui ils donnent les cornes. Ce sera sûrement pour un membre des familles importantes du village, d’après l’homme du gouvernement avec qui je discute. Des membres de l’administration sont présents car des taxes sont prélevées sur les sacrifices de buffles. Le gouvernement essaie ainsi de dissuader ces pratiques mais au vu du nombre de cérémonies, ça n’a pas l’air de très bien fonctionner !
La falaise Lemo
Entrée : 20 000 IDR
Comme je l’ai déjà dit, le pays Toraja est une région montagneuse. Qui dit montagnes, dit falaises (ouais bon, peut-être pas toujours, mais ici c’est le cas). Au pays Toraja, les falaises sont de vraies ressources naturelles ! En effet, c’est là que l’on creuse les tombes des défunts. On ne prend pas de place sur les rizières comme ça ! Nous y sommes allés le matin, mais je le mets là, ça fait une bonne continuation !
Les gens creusent les tombes dans la roche, qui est très dure. D’après mon guide, ça prend de 6 mois à un an ! Les gens ne chôment pas ici… Devant les tombes, on peut voir des tau-tau. Ce sont des statues qui représentent les défunts. Elle semblent nous regarder et veillent sur le monde des vivants. C’est rassurant. Dans d’autres endroits, il y a carrément des tableaux des morts.
Sinon, le coin est très tranquille. Ensuite, je descends dans la rizière (enfin, sur le chemin !) et je croise un homme qui fabrique des petites statues, peut-être des tau-tau ! Je regrette vraiment de ne pas m’être arrêté pour lui parler !
Les arbres avec des bébés
Prix : 15 000 IDR
Je parle de bébés humains ! C’était clairement le moment le plus glauque de tout le voyage ! Enfin, j’avais dit que ce serait dépaysant, non ? La question est donc : comment des bébés sont arrivés dans le tronc de l’arbre ? Des bébés de moins de six mois y reposent, leur jeune âge leur permettant d’accéder au paradis sans avoir besoin de l’aide de buffles. La sève de l’arbre, blanche, est censée selon les anciennes croyances les faire grandir. Cette pratique a été un peu oubliée car maintenant, mon guide m’explique qu’ils sont enterrés comme les autres. L’influence chrétienne, peut-être. En tout cas, les trous dans l’arbre sont recousus. Il faut néanmoins faire attention à ne pas trop en faire car sinon, l’arbre meurt !
Pour nous rendre au village de Ke Te Kesu, nous sommes passés par des petites rues dans la campagne, j’ai juste adoré ! En chemin, je croise deux écolières et je leur demande en indonésien comment était l’école (je ne perds jamais une occasion de m’exercer). Elles s’arrêtent et ne me répondent pas. Je leur demande alors « Bien ? », elles font un oui avec un signe de tête puis continuent leur chemin. Je ne vais pas les manger…
Le village de Ke Te Kesu
Prix : 30 000 IDR
C’est un village traditionnel Toraja, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Typiquement, il y a des maisons à étage avec ces couleurs si caractéristiques et ces colonnes avec des cornes de buffles accrochées. En face, le grenier à riz. Ces maisons-là ont un toit en paille. C’est un peu un archétype de village traditionnel que les touristes peuvent visiter en paix.
En paix plutôt relative, comme le découvre le touriste qui est déjà sur les lieux quand nous arrivons. Son but est de prendre une photo du village sans personne, mais ça fait une demi-heure qu’un couple de jeunes indonésiens se prend en selfie ! Bon, il finira par réussir, et moi aussi par la même occasion.
Juste à coté, il y a une autre falaise avec d’autres tombes. Et des magasins de souvenirs également.
Où dormir à Rantepao ?
On m’avait parlé du Duta 88 Cottages, je n’ai pas cherché plus loin. 250 000 IDR pour un bungalow dans le style Toraja, j’ai préféré le dortoir pour 150 000 IDR. C’est sympa, il y a des toilettes européennes, un bon petit déjeuner et c’est en plein centre du village. Les prix reflètent ce qui se pratique ici.
Deux inconvénients néanmoins : la proximité avec la mosquée, qui peut provoquer des réveils quelque-peu matinaux, et le personnel qui ne parle pas anglais. Cependant, ça n’a pas été un très gros problème pour moi car je suis arrivé avec un guide qui a pu traduire. De plus, dès que je rencontre des gens qui ne parlent pas anglais, ce n’est qu’une occasion de pratiquer l’indonésien !
Petit mot de la fin
Déjà, petits détails sur le prix : entre 500 000 IDR et 700 000 IDR pour une journée avec un guide, 250 000 IDR pour l’offrande à la famille du défunt, 80 000 IDR pour une journée de location d’une moto.
Je ne sais pas trop quoi dire, à part que je vous ai dit que c’est dépaysant ! C’est vraiment LA fois où j’ai eu le plus cette impression. Mais il commence à y avoir beaucoup de touristes… Forcément, un si bel endroit, ça finit par attirer du monde ! Et ce n’est pas la fin, puisque les deux jours d’après, je fais un trek dans les villages !
Je raconte ça dans un autre article. Je dirais bien qu’il finira par une révélation de choc, mais ce serait forcer le clic !