Se perdre dans le labyrinthe de la médina de Tétouan
Tétouan étant située entre Tanger et Chefchaouen, c’était la suite logique de mon voyage après ma visite de Tanger. Contrairement à Tanger, que je connaissais pour être une grande ville et Chefchaouen, réputée pour sa médina bleue, je ne connaissais rien de Tétouan. Située entre montagne et mer, Tétouan abrite une médina blanche, se nichant sur une montagne. Qui dit médina, dit occasions de se perdre, ce qui signifie de potentielles découvertes inattendues. Allons donc de ce pas découvrir Tétouan et sa médina.
Un peu d’histoire
Les Mérinides, ayant besoin d’un point de départ pour leurs opérations contre Ceuta, alors occupée par les Espagnols, fondent Tétouan en 1305. Sa position, près de la mer et sur un oued, en fait un repaire de pirates. En 1399, le roi Henri III de Castille, qui n’aime pas trop les pirates, détruit la ville. Au XVIe siècle, les musulmans et juifs sont chassés d’Espagne. Nombre d’entre eux s’installent alors au Maroc. Ainsi, Tétouan se repeuple, le commerce reprend, mais aussi la piraterie. En 1565, le roi Philippe II d’Espagne fait obstruer son port afin de mettre fin à l’un comme à l’autre. Le sultan Moulay Ismaïl fait redémarrer le commerce avec l’Europe au siècle suivant.
A la suite de la guerre entre le Maroc et l’Espagne de 1860 à 1862, les Espagnols occupent la ville qui devient en 1913 la capitale de leur protectorat sur le Maroc. Ainsi, et grâce à ces relations de longues date avec l’Andalousie voisine, Tétouan a un fort caractère hispano-mauresque. En même temps, l’activité portuaire de Tétouan diminue au profit de Tanger, qui dispose d’un port capable d’accueillir de plus gros navires. En 1936, c’est l’une des premières villes dont les partisans du général Franco prennent le contrôle.
Visiter Tétouan
Le quartier espagnol
Tétouan ayant été la capitale de la zone de protectorat espagnol au Maroc, ces derniers y ont ainsi bâti plusieurs immeubles, que l’on retrouve surtout à l’ouest de la médina. Depuis la gare routière, le taxi me dépose sur la place Moulay el-Mehdi, parfaite pour découvrir les bâtiments espagnols de Tétouan. Arrivé peu après midi, j’ai donc tout l’après-midi pour découvrir la médina et ses alentours.
La place Moulay el-Mehdi
La place Moulay el-Mehdi est entourée d’immeubles datant de l’époque du protectorat. Par exemple, l’église Notre Dame des Victoire date de 1927. Elle peut se visiter durant les horaires de célébrations, soit un peu avant, soit un peu après (en général en fin d’après-midi). Les autres bâtiments ont une façade courbée pour s’adapter à la forme circulaire de la place.
Le parc Feddan
Au nord de la place Moulay el-Mehdi, l’avenue Ben Aboud mène au parc Feddan, qui est une place avec un monument au centre, qui présente plusieurs éléments typiques de l’architecture marocaine (zelliges, stalactites en stuc…). Ensuite, au nord et à l’est de la place, nous pouvons observer la médina de l’extérieur. La partie nord surplombe la place, et un bâtiment au sommet contraste avec les maisons blanches de la médina. Peut-être la kasbah ?
Une étudiante m’interroge pour son master, pour lequel elle doit étudier la sensation de chaleur ressentie par les gens se promenant sur la place. Pour résumer, il fait chaud, pas excessivement, mais ça manque clairement d’ombre ! En tout cas, à l’heure où on cherche en France à planter des arbres en ville pour y maintenir de la chaleur, cette place serait tout en haut des préoccupations de la ville si c’était une ville française…
Une première personne se propose pour me faire visiter la médina. J’ai eu un peu de mal à lui faire comprendre que non, je n’étais pas intéressé… Ce ne sera que le premier d’une trop longue série.
L’avenue Mohammed V
Une section de l’avenue Mohammed V relie la place Moulay el-Mehdi à la médina. On y trouve également plusieurs bâtiments de style espagnol, notamment près de la médina. Il ne faut pas hésiter à sortir un peu de la rue pour découvrir d’autres immeubles à l’architecture du même style. Par exemple : l’institut Cervantès (tourner à droite, avenue Ben Hssain).
L’avenue Mohammed V débouche sur la place Hassan II, qui est mitoyenne de la médina et du Palais Royal. Celui-ci résulte d’un agrandissement de l’ancien palais, qui a englobé l’ancien consulat d’Espagne, dont il reste une trace sur la porte monumentale. Les quatre colonnes sont quant à elles des lampadaires Art nouveau.
Quelques bâtiments du quartier El Ensanche :
Visiter la médina
Se promener dans la médina de Tétouan
Avant toute chose, il faut savoir que la médina de Tétouan est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Si l’objectif est de se perdre dans la médina, celle de Tétouan est sûrement la meilleure pour l’atteindre. En effet, ce sont des petites ruelles avec de multiples ramifications qui desservent les maisons blanches de la médina. Parfois, on perd presque la lumière du soleil. Pas facile de s’y repérer, mais des panneaux signalent de nombreux bâtiments historiques et fournissent une présentation succincte. Certains indiquent une ancienne demeure de brigands, et je n’ai aucun mal à imaginer des voleurs vivre ici, tant il paraît facile pour quelqu’un connaissant les lieux de perdre ses poursuivants qui ne les connaissent pas !
Ma visite de la médina commence par l’arrivée d’un énième “guide”, qui lui non plus ne comprend pas “non”, même en darija… Je devrais peut-être apprendre à dire “je vais au commissariat” en arabe, peut-être cette phrase est-elle mieux comprise ? Cela peut sembler un peu extrême, mais je vous assure qu’ils sont vraiment extrêmement insistants, et qu’il faut de nombreuses minutes pour qu’ils comprennent que non, c’est non.
Quoi qu’il en soit, j’ai visité la médina pendant tout un après-midi, sans suivre d’itinéraire précis, et en découvrant les lieux au fur et à mesure qu’ils se présentaient à moi. Les commerces se trouvent majoritairement dans les rues partant de la place Hassan II. On y trouve de tout, des objets d’artisanat traditionnel aux ordinateurs et smartphones reconditionnés. De nombreux ateliers produisent encore des marchandises en plein cœur de la médina. Les autres rues sont résidentielles, il y a donc encore beaucoup de monde qui habite dans cette médina !
Les ruelles étroites sont l’une des adaptations des médinas du Maghreb au fort ensoleillement. Ainsi, les rues sont bien plus à l’ombre !
Je ne peux que vous conseiller de vous promener un peu au hasard, sans oublier d’en sortir avant la nuit. Ce n’est pas la médina où je m’attarderais la nuit tombée.
Si vous vous perdez, portez une attention particulière sur le pavage des rues. Trois rangées de pavés au centre ? Vous êtes sur une rue principale. Une seule ? Une impasse. Quatre rangées de pavés indiquent que la rue mène à l’une des sept portes de la médina. Il reste à savoir de quel côté elle se trouve…
Le Mellah
Le quartier juif de la médina de Tétouan se trouve tout près de la place Hassan II : rue Haïfa, avec les deux rues qui lui sont parallèles et proches : la rue Akka et la rue Ramallah. Il y avait en effet de nombreuses familles juives à Tétouan, qui appelaient la ville “la petite Jérusalem”. Cependant, l’immense majorité d’entre elles ont émigré au début de la deuxième moitié du XXe siècle. Aujourd’hui, c’est surtout l’architecture des bâtiments, avec des balcons, qui rappelle leur présence. On y trouve plusieurs synagogues. La grande synagogue, bâtie en 1889, peut se visiter. Elle présente quelques photos et documents de la vie de la communauté juive du quartier.
Les musées de Tétouan
Le Dar el Oddi
Le Dar el Oddi est un riad où l’on trouve un musée sur les visions de Tétouan. Car oui, il y a des riads dans la médina de Tétouan. Ils sont juste plus discrets que ceux de Marrakech, étant donné qu’il y a moins de touristes et donc d’établissements les recevant. Rien de mystique dans les visions de Tétouan : simplement la manière dont les visiteurs qui arrivent à Tétouan perçoivent la ville. Pour avoir une idée sur la question, le Dar el Oddi présente de nombreux tableaux représentant la ville. Certains sont des originaux tandis que d’autres sont des copies de tableaux conservés ailleurs. En complément des tableaux, le musée présente aussi des cartes postales et des timbres. Ces derniers, un peu cachés, sont situés dans une salle à l’étage, accessible depuis un escalier partant de la salle occupée par les hôtesses d’accueil.
L’installation du musée dans ce riad a été précédée par une restauration qui lui a rendu son charme. On y découvre donc également un magnifique exemple d’architecture, d’autant plus précieux que peu d’édifices dans la ville sont accessibles au public. Ayant fait construire ce riad dans les années 1920, le propriétaire y a fait installer des éléments de décoration modernes pour l’époque, tels qu’un carrelage à l’européenne ou un téléphone.
Enfin, la terrasse sur le toit permet aux visiteurs de découvrir la médina sous une autre perspective. On y repère quelques rues, mais on comprend surtout qu’on n’est pas prêt d’en sortir !
Pour visiter le Dar el Oddi, il faut compter 25 dirhams. Mais surtout, il faut le trouver et dans les temps. En effet, il ouvre à dix heures du matin et ferme seulement quatre heures plus tard. Oui, à 14h ! J’y suis donc retourné le lendemain matin, avant de partir pour Chefchaouen.
Le musée ethnographique
Un bastion de la muraille, tout de suite au sud de la Bab el-Oqla, porte située à l’est de la médina, accueille aujourd’hui le musée ethnographique de Tétouan. A première vue, la thématique est assez large, alors précisons-la un peu. On trouve dans ce musée des objets issus de l’artisanat marocain, notamment de la région de Tétouan, puis tout un parcours sur l’espace familial. Il comporte notamment une intéressante présentation sur le mariage traditionnel.
L’école des arts et métiers
Presque mitoyen du musée ethnographique (seule la muraille et une avenue les séparent), l’école des arts et métiers forme de nombreux artisans marocains depuis sa création en 1919. En quatre ans, la soixantaine d’élèves y étudiant deviendront ébénistes, brodeurs, cordonniers, ferronniers… Ne pas rater non plus le jardin andalou adjacent au bâtiment.
Il est possible de visiter l’école et de voir les élèves et professeurs en action pour 50 dirhams. Les plus belles réussites des étudiants sont exposées dans une salle accessible sur demande.
Le Centre d’art moderne et contemporain
Dans l’ancienne gare ferroviaire de style néo-mauresque, le Centre d’art moderne et contemporain présente des œuvres d’art contemporain (vous l’auriez deviné), parmi lesquelles un grand nombre proviennent de Tétouan. Il faut savoir que c’est à Tétouan que l’on trouve l’une des deux seules écoles des Beaux-Arts du Maroc. L’autre se trouve quant à lui à Casablanca.
L’entrée est gratuite.
Le musée archéologique
Situé au nord-ouest de la place Hassan II, ce musée présente diverses découvertes archéologiques, dont de nombreuses provenant de Lixus, un site près de la ville de Larache. Il y a plusieurs mosaïques qui valent le détour.
L’entrée coûte 10 dirhams.
La Paloma Blanca
A l’ouest du quartier El Ensanche, un oiseau se trouve au centre d’une place. Cependant, il est inhabituellement grand !
En fait, ce n’est bien sûr pas un pigeon mais une palombe, comme son nom l’indique ! Mais que fait-elle donc ici ? La « Colombe blanche » est l’un des surnoms de Tétouan, qu’elle doit à la couleur de ses murs.
Le mot de la fin
Découvrir la médina de Tétouan est une expérience qui nous transporte dans un autre monde, presque envoûtante, une fois dépassées les zones avec tous les “guides”. La médina de Tétouan diffère des autres car elle est plus “fermée” : les rues sont plus étroites, on a l’impression qu’il y a plus de ramifications, et la lumière pénètre moins bien dans ces ruelles que dans celles des médina de Marrakech, Fès, Tanger… Je dirais qu’on a une double impression d’enfermement : entre les rues de la médina, un labyrinthe dont on ne peut sortir, et entre les montagnes. Néanmoins, ce n’est pas une expérience déplaisante. Au contraire, c’est une aventure de partir à la découverte des secrets de la médina.
Malgré ça, il faut sortir de la médina pour profiter de l’architecture espagnole du début du vingtième siècle sur l’avenue Mohammed V. Ayant plus visité de régions qui étaient sous protectorat français, je n’étais ainsi pas habitué à ce style architectural.
Enfin, je n’ai pas croisé beaucoup de touristes à Tétouan, qui ne semble pas être envahie comme Marrakech. Bien que la médina soit classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, la ville ne semble pas figurer sur les sentiers battus par les touristes… En tout cas, j’y serais bien resté un peu plus longtemps !